13
mai 2009
Discours anticapitaliste, plan anti-crise social-libral
Le Manifeste
habille dĠun hsitant discours anticapitaliste le mme plan anti-crise (voir
annexe) avanc lors des lections puis systmatis en fvrier dernier et objet
dĠune tourne du dput de Mercier.
á
La crise y
est explique comme dĠabord une crise financire qui sĠest ensuite
rpercute sur lĠconomie relle alors quĠelle nĠa quĠamplifi, grande
chelle il est vrai, une classique crise de surproduction. Rien dĠalors surprenant que la priorit
du plan anti-crise soit de sauver la Caisse de dpt et de placement du Qubec
[CDPQ], le fleuron du capitalisme (financier) qubcois, en y injectant
davantage dĠpargnes du proltariat aux dpens des banques canadiennes.
á
La crise
cologique est explique sans nulle mention du rchauffement plantaire. Il faut le faire ! Rien de surprenant que le plan
anti-crise nĠait jug bon que dĠy consacrer un minable petit milliard $
alors quĠil serait possible dĠy allouer proportionnellement autant dĠargent que
les gouvernements canadien ou tasunien ont engag pour sauver les banques.
á
En appendice, comme dĠhabitude, le Manifeste plogue la
Ç souverainet populaire, dmocratique, conomique, politique È. NĠimporte quoi pour noyer la lutte pour
lĠindpendance nationale. Rien de
surprenant que lĠindpendance nĠait jou aucun rle dans le plan anti-crise. Elle est pourtant essentielle pour
exproprier les banques afin de se doter des moyens de la ncessaire rvolution
cologique et galitaire.
á
On explique
la fin de lĠtat providence par lĠintensification de la comptition
inter-capitaliste alors que la raison essentielle en est le renoncement du
mouvement ouvrier la rvolution en faveur de la conciliation de classe. Rien de surprenant que le plan
anti-crise cherche non pas rgler la crise par lĠaffrontement contre le
capital mais seulement lĠattnuer en limitant et en mitigeant les effets
nfastes de la comptition par le seul jeu parlementaire.
á
On
sĠinterroge sĠil faut Ç dpasser le capitalisme È alors quĠon
veut plutt substituer au capitalisme nolibral une mythique Ç conomie
sociale È de PME et
coopratives Ç cologiques et socialement responsables È pratiquant entre elles le Ç commerce
quitable È. Faut-il alors se surprendre quĠon se
contente en ralit que de dnoncer Ç le libre march outrance È et Ç le capitalisme
dbrid, sans rgles ni entraves È et non pas le libre-change et le
capitalisme tout court.
Crise
financire ou typique crise de surproduction
Selon le Manifeste, il tait une fois la
crise hypothcaire des subprimes aux U Ç rendus possibles par une
drglementation du march financier [É] Puis viennent les impacts sur
lĠconomie relle [É] La crise financire a donc commenc par un
assouplissement des rgles dans le crdit hypothcaire. [É] Cette dbcle
financire a plong lĠconomie relle, cĠest--dire la production de biens et
services, en crise son tour. È Faux. Pourtant les auteurs du Manifeste
avaient mis le doigt sur le bobo : Ç LĠendettement permet de rpondre
une contradiction inhrente au capitalisme : pour dgager des profits, les
patrons baissent les salaires ou les font stagnerÉ È
La raison dĠtre de la crise se situe donc dans lĠconomie relle. Elle est une crise de surproduction
amplifie par le drapage de la finance.
CĠest la stagnation salariale mondiale depuis une gnration, et les
coupures concomitantes dans les services publics, qui met en panne
lĠaccumulation du capital.
LĠenflure de lĠendettement hypothcaire et aux consommateurs nĠarrive
plus combler le trou noir de lĠabsence de la demande solvable quelque soit
lĠimagination dbride des banques pour endetter un proltariat qui nĠa plus
les moyens de rembourser et pour distribuer largement le risque par
lĠintermdiaire des Ç produits drivs È.
Rgler la crise et surtout lĠempcher dĠtre suivie par une longue dpression appelle alors la cration dĠun nouveau pouvoir dĠachat et non pas sauver la CDPQ en y engouffrant encore plus dĠpargnes populaires. Draper la CDPQ dĠune verte fleur de lys dans le poing social-dmocrate est faire croire la quadrature du cercle. Le mythe du capitalisme social repose sur le fait quĠun travailleur bien pay est plus productif et consomme plus. Le capitalisme est dĠaccordÉ jusquĠ ce que le concurrent paye moins. Alors sĠimpose la logique de la peur du chmage — le capital en maintient toujours une arme de rserve quĠil reconstitue quand les syndicats deviennent trop arrogants.
Le mythe du capitalisme vert repose sur la logique de la minimisation des cots au niveau de lĠentreprise, donc aussi les cots nergtiques et des matires premires. Cette vrit micro-conomique nĠefface pas la logique macro-conomique dĠensemble. La logique globale du capitalisme est lĠaccumulation du capital et en corollaire la consommation de masse. Une image vaut mille mots : on peut bien amliorer la performance nergtique de chaque automobile, la croissance du nombre dĠautomobiles finit par effacer le gain potentielÉ et il y a une limite rduire la consommation dĠnergie et de matires premires par auto mais non multiplier le nombre dĠautos.
Rappelons que si en un an, dĠavril 2008
avril 2009, le nombre de sans emploi a cr au Qubec de 40 000 personnes,
il faut y ajouter un chmage cach de transformation de temps plein en temps
partiel. Durant la mme priode,
lĠemploi temps plein y a baiss de 22 000 personnes tandis que celui
temps partiel a augment de 12 000.
Ajoutons-y aussi la transformation des emplois salaris en
Ç travailleurs indpendants È qui explique la relative bonne
performance du Qubec dans la cration dĠemplois de mars avril. Comme le dit Ç l'conomiste Sylvain Schetagne, du
Congrs du travail du Canada: ÒSi vous n'tes pas admissible l'assurance-emploi ou si vous n'y avez
plus droit et qu'il n'y a pas d'emplois de disponibles, que faites-vous? Vous
vendez tout et allez sur l'aide sociale, ou vous devenez travailleur indpendant.
Ces travailleurs passent du statut d'employ au statut de travailleur
indpendant, mais peuvent-ils vritablement en vivre?Ó È (Le Devoir, 9 mai
2009)
On voit bien que
lĠobjectif de cration de 40 000 emplois que sĠassigne le plan anti-crise
de Qubec solidaire est tout fait inadquat dĠautant plus que tous les
conomistes, de droite comme de gauche, prvoient une continuelle hausse du
chmage durant lĠanne 2009 mme si certains prvoient un dbut de reprise. Tant par rapport la protection des
emplois existants, du maintien des salaires et des conditions de travail que de
la cration dĠemplois cologiques nouveaux, la direction de Qubec solidaire
capitule sur toute la ligne. CĠest
se moquer des travailleurs congdis que de leur proposer de former des
coopratives sans financement, sans rseaux dĠapprovisionnement ni de mise en
march, sans expertise suffisante.
CĠest abandonner les travailleurs en emploi que de ne pas exiger une
lgislation protgeant leur pouvoir dĠachat non seulement par une indexation
obligatoire en cas de hausse des prix et par une participation aux gains dus
la hausse de la productivit du travail mais surtout par une baisse du temps de
travail au moins 35 heures sans diminution du salaire rel.
Son plan anti-crise
repris dans le Manifeste accepte les fermetures dĠusines et les congdiements
massifs mme dĠentreprises rentables comme, par exemple, Bombardier et Pratt et
Whitney. Il ne viendrait mme pas
lĠesprit de la direction de Qubec solidaire de proposer une lgislation
anti-fermeture et anti-congdiement massif, comme le fait le Nouveau parti
anticapitaliste franais quitte ce que ce soit les comptiteurs des
entreprises en banqueroute, comme par exemple pour le cas dĠAbitibi-Bowater,
qui prennent en charge les employs congdis et les plans de retraite car,
aprs tout, ce sont eux qui profitent de la situation. La direction de Qubec solidaire, sur
ce point, est plus droite que le gouvernement Conservateur de Terre-Neuve qui
a nationalis les droits de coupe et les actifs hydrolectriques
dĠAbitibi-Bowater suite la fermeture de lĠusine de Grand Falls.
Il nĠy a rien dĠtonnant la pusillanimit de la
direction de Qubec solidaire face la cration dĠemplois
cologiques — un petit milliard $ supplmentaire sur deux
ans — la vue de son incomprhension et de sa sous-estimation
de la crise cologique. Le
diagnostic que fait le Manifeste de la crise cologique passe compltement sous
silence le rchauffement de la plante caus par les gaz effet de serre. Il faut le faire. Une chose est de rduire la question
cologique lĠeffet de serre, comme par exemple le faisait la dernire
plate-forme lectorale de Qubec solidaire en dclarant lĠhydrolectricit
comme une nergie propre avant de devoir sĠajuster aux normes du gouvernement
tasunien et aux protestations des Innus de la base et des cologistes. Une autre est de marginaliser cet effet
qui dj enveniment scheresses et inondations et qui a commenc modifier
significativement la biodiversit et hausser le niveau des ocans :
Ç 326 catastrophes climatiques ont t
enregistres en moyenne chaque anne entre 2000 et 2004 ; elles ont fait
262 millions de victimes - prs de trois fois plus quĠentre 1980 et 1984. Plus
de 200 millions dĠentre elles vivaient dans des pays non-membres de lĠOCDE qui
ne portent quĠune responsabilit marginale dans lĠaccroissement de lĠeffet de
serre. Pour les annes 2000-2004, un habitant sur 19 a t affect par une
catastrophe climatique dans les pays en dveloppement. Le chiffre correspondant
pour les pays de lĠOCDE est de 1 sur 1500 (79 fois moins). È (Daniel
Tanuro dĠaprs le rapport du Programme des Nations Unies pour le Dveloppement
(PNUD), rapport mondial sur le Dveloppement humain, 2007/2008)
Le plan anti-crise de Qubec solidaire ne
tient aucun compte que le Qubec, en tant que pays dvelopp spcialement
nergivore et selon les recommandations du GIEC relevant de lĠONU, doit cesser
de hausser ses manations de gaz effet de serre dĠici 2015, doit les rduire
de 25% 40% dĠici 2020 et de 80 95% dĠici 2050. Ë cette
hauteur dĠexigence, cĠest lĠautomobile individuelle dans les grandes villes qui
doit tre remplace par le transport collectif public et lectrifi ;
cĠest lĠensemble des btiments du Qubec qui doit tre restaur selon les
normes les plus performantes de lĠefficacit nergtique, lesquelles permettent
une baisse de la consommation nergtique dĠau-del de 50% confort
gal ; cĠest la planification de nos villes et les normes du btiment
qui doivent tre immdiatement rvolutionnes pour minimiser la consommation
dĠnergie. CĠest, en dernier lieu
et seulement en dernier lieu, les productions olienne et solaire qui doivent
tre augmentes.
On objectera
quĠil faudrait un investissement massif pour y arriver ? On connat les sommes gigantesques
quĠont mobilis les gouvernement tasunien et canadien pour sauver ou soutenir
leurs institutions financires mme si au Canada les banques vont trs bien
merci. Proportionnellement, pour
le Qubec, on parle dĠune somme dĠune quarantaine de milliards $ mesur
lĠaulne canadienne, de prs de 200 milliards $ lĠaulne tasunienne. La premire somme donne une ide de ce
qui serait mobilisable immdiatement, la seconde dĠici, disons, 2020. Bien sr, les trs capitalistes
gouvernements canadien et tasunien ou bien recourent la Ç planche
billets È ou bien empruntent au taux dĠintrt du march les sommes
ncessaires au mme capital financier quĠils sauvent par ailleurs sous forme de
prts taux rduit sinon quasi nuls, de garanties et parfois dĠachats
dĠactions. Bel arnaque. Un gouvernement de gauche se procurerait
ces sommes par une rforme fiscale radicale imposant et taxant les profits, les
hauts revenus, les fortunes et la consommation de luxe et nergivore. Inutile de chercher pareille ide dans
le plan dĠaction prtendant dpasser le capitalisme.
Pour faire payer cette hauteur le capital, dont les banques et les autres institutions financires sont le noyau dirigeant, sĠimpose la nationalisation sans compensation des institutions financires pour en faire un service public essentiel contrl dmocratiquement comme le sont partiellement les garderies populaires du Qubec. La gauche doit profiter du fait que no-keynsiens de droite (The Economist) comme de gauche (le prix Nobel dĠconomie Paul Krugman) proposent de nationaliser les banques afin de sauver le capital pour se rapproprier cette traditionnelle revendication anticapitaliste tout en faisant la porte dĠentre dĠun Qubec cologique et galitaireÉ et en la liant la revendication de lĠindpendance.
La province canadienne du Qubec est en effet sans pouvoir sur le capital financier. Il y a plus dĠune gnration que le peuple qubcois a trouv la rponse programmatique — lĠindpendance — pour se sortir de ce cul-de-sac. Ainsi il deviendra possible de mettre sur pied la Banque populaire du Qubec pour contrler les flux montaires tant pour empcher la fuite de fonds dans les paradis fiscaux et lĠvasion fiscale que pour centraliser lĠpargne qubcoise et la diriger, par des politiques fiscale et montaire appropries, vers des investissements cologiques et sociaux dmocratiquement dcids.
Non
seulement le Manifeste relgue-t-il en appendice la question nationale mais il
lĠa rduit la Ç souverainet populaire,
dmocratique, conomique, politique È. Il nĠy a pas de souverainet suivie de
mille adjectifs sans passer par lĠindpendance nationale. Elle est la revendication-clef pour librer lĠnergie
cratrice du peuple qubcois, pour le librer de lĠhumiliation de la conqute
de 1760, de la rbellion crase dans le sang de 1837, de la constitution
impose de 1867, des conscriptions forces de 1917 et de 1942, des occupations
armes de 1970 et de 1990, du rejet lgislatif de lĠautodtermination
rfrendaire en lĠan 2000 et du mpris du scandale des commandites en
2004. Ce nĠest pas pour rien que
bon an mal an la volont souverainiste, malgr le lchage pquiste, oscille
entre 40 et 50%.
La crise globale du capitalisme permet de fusionner la haine du fdral avec la haine des banques et du patronat. Cette crise permet de donner la revendication de lĠindpendance sa pleine signification de gauche, non seulement vis--vis Ottawa, sige du pouvoir politique fdrale, mais aussi vis--vis de Bay Street, sige du capital financier canadien et de Wall Street, sige du capital financier tasunien.
La prsente lthargie du mouvement social qubcois depuis la capitulation sans combat des syndicats du secteur public en dcembre 2005 — cependant la rcente dtermination et militance de la longue grve des professeurs de lĠUQAM appuye de sporadiques grves tudiantes laisse peut-tre entrevoir un retour de la riposte sociale qui pourrait tre la reconstitution du Front commun de 1972 — laisse peu de prise lĠexpression publique de la haine nationale et de classe. Il revient en particulier la gauche politique de prparer politiquement le terrain son invitable retour au fur et mesure de lĠintensification de la crise. Celle-ci connat peut-tre une certaine accalmie grce aux billions $ jets en pture aux banques et lĠindustrie automobile, et un moindre impact sur le Qubec dont les industries du textile/vtement, du meuble et de la fort sont en crise depuis longtemps, mais ce sera pour mieux rebondir. Le problme de fond de la demande solvable due la stagnation salariale et des services publics, et la persistance des ingalits de revenu, sans oublier lĠaggravation continuelle des consquences de la crise cologique, nĠest pas du tout en voie dĠtre rgl.
Le Manifeste prpare plutt le terrain en
sens contraire. Il laisse entendre
que Ç [l]es ÒTrente glorieusesÓ, comme on les appelle, soit la priode allant de
1945 1972 environ, sont marques par une situation exceptionnelle dans
lĠhistoire du capitalisme, soit lĠabsence dĠune relle concurrence sur le plan
international. [É] Ë partir des annes 1970, toutefois, ce systme est
dstabilis par la monte des comptiteurs en Europe et en Asie. È Il attribue ce recul de la concurrence la capacit des
Ç grandes entreprises comme GM, General Electric, Boeing, etc. [É]
dĠaccorder des concessions leurs travailleuses et travailleursÉ È Si ce recul momentan de lĠintensit de
la concurrence mondiale d aux dvastations de la Seconde guerre mondiale a
certes faciliter lĠtat providence, cĠest--dire le partage ingal des gains de
productivit, il nĠen est nullement la cause.
La cause de ces concessions fut la peur de la rvolution. Les syndicats et les partis sociaux-dmocrates, profitant de la peur de la monte rvolutionnaire la fin de la Deuxime Guerre tant en Europe quĠen Asie du Pacifique, ont pu imposer au capital une meilleure distribution des gains de productivit. Si en Grce, en Italie et en France, le capital a pu compter sur le sabotage des partis staliniens pour couper court au danger rvolutionnaire, tel ne fut pas le cas en Yougoslavie, en Chine et au Vietnam o les partis dirigeants avaient partiellement rompu avec le stalinisme et o en Asie la rvolution combinait libration nationale et libration sociale. Le capitalisme mondial, affaibli et dconsidr par la guerre surtout gagne par lĠarme rouge (et lĠutilisation criminelle et inutile de la bombe atomique contre le Japon et du Ç carpet bombing È contre lĠAllemagne) nĠa pas eu dĠautres choix que de faire des concessions majeures pour sauver sa peau.
La
btise stratgique des directions syndicales et des partis sociaux-dmocrates
fut alors de renoncer la perspective rvolutionnaire et dĠaccepter la
collaboration de classe, appele au Qubec Ç concertation È, pour le
partage ingal des gains de productivit.
Cette capitulation stratgique revenait laisser le pouvoir au
capital. Au fur et mesure de la
baisse du taux de profit due au retour des puissances vaincues puis des
Ç nouveaux pays industrialises È sur le march mondial, le capital
sĠest concentr en transnationales qui ont investi dans des zones peu
syndiques (sud des U, sud de lĠEurope, certains pays du tiers monde comme la
Core du Sud et Taiwan qui, comme par hasard, servait de vitrines succs face
la Chine dite communiste) et a libr ses pargnes du contrle tatique
(eurodollars, ptrodollars), ce qui permettra de faire chanter les peuples du
monde en les opposant les uns aux autres au gr de la circulation mondiale des
flux de capitaux.
Cet chec de la collaboration/concertation
de classe rsulte de lĠimpossibilit structurelle dĠamoindrir lĠintensit de la
comptition inhrente au mode de production capitalisteÉ moins dĠaccepter de
trs profondes crises qui gnrent de dvastatrices guerres mondiales mettant
en pril la civilisation mme et dornavant lĠquilibre cologique de la
plante. Le Manifeste, sous forme
de questionnements, suggre de Ç favoriser la coopration au lieu de la comptition È ou encore de Ç redistribue[r]
la richesse quitablement È et mme de Ç [c]ontrler dmocratiquement les institutions
financires È et
jĠen passe. Fort bien. Cela ncessite, si on est srieux, le
renversement du capitalisme.
Et comme lĠa
dmontr encore une fois le sanglant coup dĠtat militaire contre le
gouvernement Allende au Chili en 1973, il se suffit pas de conqurir la
majorit parlementaire pour y arriver.
LĠHistoire a maintes fois prouv que la voie parlementaire mne
directement dans un cul-de-sac. Il
faut surtout renverser le capital dans la rue, par la grve gnrale ou/et par
une guerre populaire prolonge ou/et une insurrection gnrale, tout dpendant
de la structure socio-conomique et des rapports de forces. Mme l, la mobilisation gnrale peut
sĠarrter mi-chemin comme cĠest le cas au Venezuela et en Bolivie o elle a
favoris la victoire dans les urnes de radicales rgimes nationalistes
anti-imprialistes. Ces rgimes,
il est vrai, crent des conditions favorables une re-mobilisation
anticapitaliste mais peuvent aussi crer les conditions dĠune rgression
nolibrale par le mcanisme de la cooptation des directions du mouvement
social.
Mme le
renversement du capitalisme ne prmunit pas contre la gangrne bureaucratique
comme lĠa prouv le socialisme rellement existant du XXi
sicle. Ce nĠest pas une raison de
nier le caractre progressiste des importantes avances socio-conomiques de
ces rgimes. Sauf pour la nouvelle
couche capitaliste et ses allis, les pays de lĠex-URSS, depuis le dmantlement
de lĠURSS en 1990, ont connu un important recul socio-conomique marqu
notamment par une rgression de lĠesprance de vie. Par exemple, en Russie, malgr lĠatout de sa richesse
ptrolire qui a gonfl artificiellement les principaux indicateurs conomiques
depuis 2000, lĠesprance de vie est pass de 68.8 ans en 1989, dernire anne
dĠexistence de lĠURSS 65.4 ans en 2007. Au Canada, durant le mme temps elle
est passe de 77.3 80.6 (tat du monde 2009, site web).
Cela est aussi
vrai pour Cuba qui maintient les acquis de son systme de sant, dĠducation et
de garderies, malgr le criminel blocus tasunien et le traumatisme maintenant
surmont de la disparition de lĠURSS grce lĠALBA avec le Venezuela. SĠy ajoutent dĠimportants acquis cologiques
dans le domaine de lĠagriculture urbaine et du transport public, sans compter
un systme remarquable de scurit contre les ouragans qui fait honte aux
U. Le drame de la dictature
bureaucratique nĠest pas la rgression socio-conomique, au contraire, mais le
gaspillage des ressources et la frustration dmocratique qui prpare le terrain
au retour du capitalisme qui lui provoque le dmantlement des acquis
socio-conomiques de la rvolution.
Ce nĠest pas pour rien que, par exemple, Le Devoir (9 mai 2009) se livre
la une au dnigrement de la rvolution cubaine Ç dboulonn[ant
Castro] au nom de la fiction È. Quand
mme ! Au fur et mesure de
lĠapprofondissement de la crise globale du capitalisme, mme le peuple
qubcois pourrait voir dĠun bon Ïil les acquis du plein emploi et des services
publics cubains malgr la grande modestie du niveau de vie, malgr les
ingalits dues lĠaccs diffrenci au dollar et malgr les importantes
dformations bureaucratiques.
Des tats gnraux pour
gagner la bataille du Front commun
Au Qubec, le concertationnisme a t institutionnalis par le PQ la fin des annes 90 par les sommets conomiques imposant le dficit zro. Sa force paralysante pour le mouvement syndical a encore t prouve lors de la dfaite sans combat du secteur public en dcembre 2005. Il faut bien saisir que le problme de fond de la ngociation 2003-2005 dans le secteur public fut moins le manque dĠunit, comme le prtendait la plupart des analystes de gauche, que la concertation quĠon croyait autant possible avec les Libraux quĠavec le PQ.
Le dmenti le plus clair de cette analyse errone fut dĠailleurs la longue et profonde grve partiellement russie du mouvement tudiant en 2005 malgr le manque dĠunit organisationnelle. On peut mme dire que cĠest lĠautonomie combative de lĠASS qui a permis de dmarrer le moteur mme si aprs coup le manque dĠunit, d cependant au concertationnisme des grandes associations tudiantes que le sectarisme de lĠASS encourageait, a empch de donner la grve un caractre offensif et surtout de faire le lien avec la grve du secteur public. Comment cette fois-ci sĠassurer un Front commun combatif qui prpare lĠaffrontement avec le gouvernement en union avec le mouvement tudiant et appuy activement par le mouvement populaire ?
Encore
cette fois-ci, les centrales syndicales qubcoises auront beau sĠorganiser en
un grand front commun, sĠils le font dans un esprit de concertation avec le
gouvernement, le rsultat sera le mme quĠen 2005. Il le sera dĠautant plus que toute lĠaffaire se jouera dans
le contexte dĠune grave crise conomique.
SĠimaginer quĠil y aura rattrapage salariale dans le secteur public et
para-public qubcois alors que les travailleurs du secteur priv, surtout ceux
et celles des branches en crise profonde comme lĠautomobile mais aussi la
foresterie, font concession sur concession, est rver en couleur. SĠimaginer que la ngociation se fera
rapidement comme le dclarent les chefs syndicaux relve de lĠinconscience ou
de la dsinformation.
SĠimaginer
de plus quĠil y aura reprise en 2010, anne de lĠchance des conventions
collectives, cĠest participer aux illusions des analyses des conomistes
patents. Mme ceux-ci admettent
que la reprise ne pourra quĠtre faible et longue tant donn la montagne de
dettes digrer par tous les acteurs conomiques que ce soit mnages,
entreprises ou gouvernements, ce qui signifie que le chmage continuera de
grimper et quĠensuite il se maintiendra un haut niveau. Mme si lĠengagement de non-maraudage
est un bon signe, pour que ce grand mouvement des syndicats du secteur public
atteigne ses buts, il lui faudra inscrire sa lutte, qui ne pourra quĠtre
froce, dans le cadre dĠun projet global de sortie de crise gauche.
La
cration du rapport de forces ncessaire implique la construction dĠun
mouvement social qui devra, au niveau des revendications, prendre en compte le
refus des privatisations et la reconstruction quantitative et qualitative des
services publics. Il ne
suffira pas de se limiter aux domaines traditionnels de la sant, de
lĠducation, des garderies et des services sociaux. Il faudra proposer de
dvelopper une chelle sans prcdent les services publics dans les domaines
de lĠefficacit nergtique, des transports publics, du logement social, de la
foresterie et des ressources nergtiques renouvelables. Cette chelle gigantesque ncessitera
une profonde rforme fiscale, permettant dĠaller chercher plusieurs dizaines de
milliards $, ce qui devra faire partie des revendications.
Il
en sera de mme pour la diminution du temps de travail sans baisse salariale
afin, quĠen combinaison avec la cration dĠemplois dans le secteur public,
dĠatteindre le plein emploi, seule faon de rallier les travailleuses et
travailleurs du priv au grand combat qui sera ncessaire. On ne fera pas lĠconomie dĠune grve
gnrale bien plus large que le secteur public. Se posera invitablement la question de la fuite des
capitaux, celle de la grve des investissements. Il nĠy a pas dĠautre rponse que celle dĠexproprier les
institutions financires, ce qui en plus permettra le contrle des flux
dĠpargne et dĠinvestissement afin de les orienter dans le mme sens que les
choix publics. Et qui dit
expropriation des banques dit une Banque populaire du Qubec et qui dit Banque
populaire du Qubec dit indpendance.
CĠest
ce niveau quĠon attend Qubec solidaire, le niveau de la conqute du pouvoir
par la rue et par les urnes, avec un projet dĠtats gnraux du mouvement
populaire pour un Qubec indpendant et cologique. Le processus de mobilisation pourrait commencer ds
maintenant en sĠappuyant sur un prcdent historique qui a laiss sa marque,
soit les Ç tats gnraux du Canada franais È de novembre 1967 qui
se conclurent par Ç Éune orientation vers lĠindpendance du Qubec. È (J. Lacoursire,
J.Provencher et D. Vaugeois, Canada-Qubec, synthse historique, 1978). Un tel mot dĠordre serait dĠautant
plus le bienvenu que beaucoup de militants syndicaux, conscients de
lĠenlisement du mouvement syndical depuis la capitulation sans combat de
dcembre 2005, souvent membres du SPQ-libre par attachement la lutte pour
lĠindpendance et dus des hsitations de Qubec solidaire sur cette question,
souhaitent ardemment la tenue dĠtats gnraux du mouvement syndical.
Sans
attendre dĠinitiative des directions syndicales, qui ne viendra peut-tre pas,
Qubec solidaire dĠaller de lĠavant.
CĠest un tel manifeste de sortie de crise quĠon attendait et non pas un
projet de rforme de la CPDQ pour sauver Qubec Inc. baignant en plus dans
lĠillusion dĠun capitalisme vert et social. NĠimaginons pas non plus de troisime voie entre ce projet
et la dfaite. La crise globale du
capitalisme lĠa dfinitivement ferme.
Dpassement du capitalisme ou nostalgie passiste ?
Est-ce que le
dpassement du capitalisme — point
dĠinterrogation — est un pas en avant, du moins smantique,
vers le renversement du capitalisme — point final ? Ë lire le Manifeste par ses chemins de
traverse, on y dcouvre maints indices de la signification concrte de ce
capitalisme soi-disant dpass.
Ç Voyez les initiatives citoyennes,
ici-mme, au Qubec : entreprises coopratives, agriculture biologique et de
proximit, commerce quitable et conomie socialeÉ È Nous y
voil. Le problme avec Ç le
milliard de dollars accord la Socit gnrale de financement [par le
gouvernement Charest, cĠest quĠil] exclut les petites entreprises qui emploient
le tiers de la main dĠÏuvre au Qubec È. Donc aussi davantage de PME dĠailleurs
soignes au petits oignons par le plan anti-crise, par exemple par des
subventions pour payer le salaire minimum qui ne sera pourtant pas plus lev
que celui de lĠOntario en 2010.
Coopratisme
Concrtement parlant, au Qubec favoriser les coopratives et les PME, cĠest favoriser lĠanti-syndicalisme. Desjardins, Agropur et la Coop fdre sont rputs pour leur zle anti-syndical. Ce nĠest pas un hasard. Comme coopratives et PME sont gnralement dsavantages dans leur concurrence contre les transnationales, elles font tout leur possible pour moins bien payer leurs employes et leur donner de moins bonnes conditions de travail. On notera dĠailleurs quĠaucune mesure du plan anti-crise contenue dans le Manifeste ne concerne la syndicalisation, les salaires et les conditions de travail. PME et coopratives nĠen seraient pas contentes. Dans le capitalisme rellement existant, les coopratives qui russissent ont pleinement intriorises la loi de la concurrence. Cela se voit, par exemple, chez le groupe Mondragon, qui compte pour 4% du PIB du Pays Basque, considr par plusieurs comme le modle mondial des coopratives de production et de distribution.
De dire son
responsable des ressources humaines : Ç Nous sommes des
compagnies prives oprant dans le mme march que tous les autres. Nous sommes exposs aux mme conditions
que nos comptiteurs. È
(The Economist, 26 mars 2009) La
prosprit du groupe fait quĠil emploie deux personnes non-membres par membre
employ, soit dans des filiales, par exemple en Chine et aux U, soit comme
employs temporaires. La rcession
frappe dĠabord les non-membres dĠo des grves. Elle frappe quand mme les membres qui doivent geler ou
rduire leurs salaires, rduire leurs heures et mme congdier collectivement
certains membres individuels quoique la Coop est tenue de leur trouver un autre
emploi dans un rayon de 50 kilomtres.
Quant aux gestionnaires, la politique salariale a d sĠadapter au
march : dĠun ratio salarial de 3 pour 1 vis--vis les salaires des
employs, la coop a d faire passer les salaires des gestionnaires 8 pour 1
afin dĠarrter lĠhmorragie.
Le coopratisme
comme force sociale est n au XIXi sicle en mme temps que le
syndicalisme et le socialisme en tant que rponse du proltariat mergeant
lĠexploitation du capitalisme triomphant.
Le coopratisme se situe alors entre le socialisme compris comme le
pouvoir politique du proltariat par le renversement du capitalisme et le
syndicalisme comme pouvoir collectif de rsistance du proltariat
lĠexploitation au sein de la socit capitaliste. Au sein du capitalisme, le coopratisme sĠassocie au
syndicalisme comme force de rsistance en tentant de supprimer le rapport
patronal, qui cependant cherche constamment se reproduire au sein de la
cooprative, mais sans aucunement pouvoir supprimer le rapport dĠexploitation
qui opre par lĠintermdiaire du march capitaliste.
CĠest ce que
dmontre autant Mondragon (coop de travailleurs) que la Fdre (coop agricole)
ou Desjardins (coop dĠpargnants) ou mme les nombreuses coops dĠhabitation qui
seraient peu viables sans lĠaide de lĠtat. On a vu pourquoi le coopratisme, y compris celui de
travailleurs, nĠest pas ncessairement compatible avec le syndicalisme. Il faut le socialisme pour rsoudre la
contradiction car alors coopratisme rime avec autogestion de bas en haut,
cĠest--dire avec la suppression de la domination du march, qui peut cependant
jouer un rle auxiliaire, en faveur de la dmocratie (conomique). Dans la premire moiti du XIXi
sicle, coopratisme et socialisme
se distinguaient dĠailleurs peine :
Ç La
postrit fministe [de St-Simon], avec Flora Tristan, Jeanne Deroin, Pauline
Roland, [É] proposait tous les ouvriers de France de se rassembler dans une
organisation unitaire o le travail serait rgl et contrl en dtail par les
ouvriers eux-mmes et qui prendrait en charge les orphelins et les vieillards
[É] o l'autogestion ouvrire s'tendrait de l'atelier la branche et de
celle-ci l'ensemble de l'industrie, et se prolongerait en un double systme
de planification dmocratique et de welfare state gr par les
producteurs. È (Franois Espagne, ancien secrtaire gnral de la Confdration gnrale
des SCOP [Socits coopratives ouvrires de production, France], Ç Les
coopratives ouvrires de production entre utopies fondatrices et idologies
concurrentes È, 2000, Internet)
Une fois que le
coopratisme eut commenc prendre les formes concrtes quĠon lui connat
aujourdĠhui non pas comme substitut mais dans le cadre du capitalisme, Marx
apportera la distinction essentielle entre le coopratisme avant et aprs la
rvolution socialiste :
Ç [Marx]
voyait dans les coopratives ouvrires, comme d'ailleurs dans les socits
anonymes, des formes de transition entre le mode de production capitaliste et
le systme d'association (Capital). Ce qui tait condamnable ses yeux tait
moins la formule elle-mme que la prcipitation la recommander comme un
remde miracle dans n'importe quelle situation historique : justifie dans la
situation rvolutionnaire d'un Etat ouvrier-socialiste comme la Commune de
Paris, elle est condamne dans une situation quasi-fodale et un Etat
ractionnaire comme la Prusse de la mme poque. La diffrence de position dans
les deux situations fait cho l'objectif assign aux proltaires de
"renverser l'Etat pour raliser leur personnalit" (L'idologie allemande,
1846). Tant que cet objectif n'est pas atteint, dans une phase antrieure de
dveloppement, le "socialisme critico-utopiste" ne peut qu'
"mousser la lutte des classes" (Manifeste, 1848). Le renversement
de l'ordre social ralis, l'utopie associationniste devient ralisable, elle
est mme probablement le modle que choisira spontanment le proltariat È
(idem)
SĠil
faut bien distinguer un coopratisme de petits propritaires (coops agricole et
forestire) ligus contre les monopoles agro-industriels et forestiers et mme
une coop de travailleurs sĠorganisant pour sauver leurs emplois, on nĠen
constate pas moins que coopratives, PME et OSBL subventionnes par lĠtat
et/ou la charit prive, les trois composantes de lĠconomie sociale, ne sont
ni un renversement ni mme un dpassement du capitalisme. Soit elles y sont pleinement intgres
mais comme secteurs domins par le grand capital, dĠo leur propension
anti-syndicale, soit elles en sont une appendice socialement ncessaire pour
grer les consquences des coupures/privatisation de services publics et de
programmes sociaux.
Ç L'conomie
sociale reste un concept encore flou et peu mobilisateur. Il a de la peine se
distinguer des acceptions initiales(conomie charitable) ou universitaires
(analyse des interdpendances entre le social et l'conomique). S'il s'entend
au sens de Walras [conomiste qui a mathmatiquement systmatis lĠconomie de march, NDLR]
(Etudes
d'Economie sociale, 1896), il concerne la rpartition de la richesse sociale
et son optimisation du point de vue de la justice, il englobe alors les
coopratives de consommation mais il exclut les coopratives de production.
S'il s'entend au sens de Charles Gide (L'Economie sociale, 1900), il
concerne "tous les efforts pour lever la condition du peuple" et
regroupe les actions du "patronage" (l'aide du fort au faible,
patronage d'employeurs ou patronage philanthropique), les associations fondes
sur le "aide-toi toi-mme" et qui englobent les coopratives, les
mutuelles et les syndicats avec les associations proprement ditesÉ È (idem)
Si
coops et tutti quanti dfinissent les units de production et dĠchange de
lĠconomie sociale, leurs rapport rciproques, surtout internationaux, seraient
dfinis par le Ç commerce quitable È et lĠinvestissement tout aussi
quitable Ç dans des entreprises cologiques et socialement
responsables È
de dire le Manifeste du premier mai.
Le commerce quitable est la redfinition contemporaine de la doctrine
du Ç juste prix È du thologien catholique du XIIIi
sicle, Thomas dĠAquin :
Ç [P]armi
les critres fondamentaux du commerce quitable, le prix juste doit non
seulement couvrir le cot de la matire premire, des moyens de production et
du temps de travail, mais aussi les cots sociaux et environnementaux. Il doit
en outre assurer un bnfice, qui peut par exemple tre vers en espces aux
producteurs ou tre affect au groupement, lĠamlioration cologique,
lĠorganisation associative ou la promotion fminine. (Laure De Cenival, 1998,
Internet)
Ë
partir du moment o pour sortir de la marginalit — le commerce
quitable comprend moins de 1% du commerce mondial, moins de 5% pour son
produit vedette, le caf — la grande majorit du commerce
quitable passe de plus en plus par les transnationales de la distribution, le
prix final doit tre au-dessus du march :
Ç Dans
les rseaux alternatifs, les cots de distribution et les marges sont rduits
au maximum par rapport au commerce conventionnel. Pour les produits sous label
quitable vendus dans la grande distribution, les marges des intermdiaires
sont en principe les mmes que pour les produits classiques. Ajouts au prix
quitable pay aux producteurs, ces cots engendrent souvent un prix final
suprieur celui dĠun produit conventionnel quivalent. È (Idem)
Pour finir, si
Ç [l]e prix quitable pay au producteur est suprieur celui du
marchÉ il faut bien admettre quĠun prix suprieur celui du march nĠest pas
forcment juste. È
(idem) puisque il est quand mme dfini sur la base du prix de march. Ç Il ne peut y avoir de
commerce quitable que si les termes d'change [dont] les taux de change sont
quitables È (Le
Devoir web, commentaires, 28/04/09)
En rsulte que Ç Ò[s]auf quelques cas particuliers, la rpartition
de la plus-value, elle, ne change pas entre le modle d'change traditionnel et
quitableÓ, avec la clef une plus grande quantit de la richesse gnre
au moment de l'change, 70 % en moyenne, qui finit dans des coffres du Nord,
contre 30 % dans les conomies du Sud. È (Corinne Gendron, titulaire de la Chaire
de responsabilit sociale et de dveloppement durable de l'Universit du Qubec
Montral (UQAM), dans Le Devoir, 28/04/09).
Le commerce
quitable ne modifie quĠ la marge lĠchange ingal. Les rapports internationaux de prix ne refltent en rien les
rapports internationaux de valeur-travail, sans compter le remboursement sans
fin de la dette des pays dpendants elle aussi reflte dans ces prix. Ces prix sont dforms par un fort
ingal ratio capital/travail entre pays imprialistes et pays dpendants qui
explique une exportation nette de temps de travail vers les pays imprialistes mme
un Ç juste È prix de march car dans les pays dpendants il y a
plus de temps de travail pour rmunrer la mme quantit de capital, et
vice-versa, dans le cadre dĠun march mondial nivelant tendanciellement les
taux de profit. Or avec la crise
de la dette des pays dpendants, qui redevient plus aigu avec la crise
conomique, ces pays doivent vendre mme en bas du Ç juste È prix de
march tant donn lĠintensit de la comptition entre les pays dpendants pour
exporter matires premires et produits finis vers les pays imprialistes afin
de rembourser leurs dettes contractes en devises fortes.
Le soi-disant
commerce quitable est en voie dĠtre rcupr par les transnationales pour
devenir Ç une simple niche pour les consommateurs È (Le Devoir, 28/04/09) en mal de
bonne conscience ce qui a pour effet de les dmobiliser pour la lutte
collective. On peut mme douter de
lĠquit formelle de ce commerce car Ç si les producteurs quitables du
Sud doivent se conformer un ensemble de critres de certification, il nĠen
est rien pour les distributeurs du Nord. Toute entreprise peut sĠenorgueillir -
et publiciser - le fait quĠelle offre des produits quitables, sans avoir
mettre en Ïuvre les critres de transparence, de dmocratie et dĠducation du
consommateur, qui sont pourtant la base mme du mouvement. È (Benote Labrosse, 30/04/09,
Internet) Dans les pays
dpendants, le commerce quitable contribue au dveloppement des cash crops aux dpens de la souverainet alimentaire
et de la durabilit cologique.
Faut-il alors
sĠtonner que le Manifeste de la direction de Qubec solidaire dnonce Ç la mondialisation nolibrale, comme une forme ÒavanceÓ du
capitalisme È sans doute pour proposer une forme de capitalisme sans Ç profiteurs
cupides È,
sans Ç libre march outrance È et sans Ç financiers
sans scrupules È qui ne soit pas Ç un capitalisme dbrid, sans rgles ni
entraves È. LĠhorizon de la direction de Qubec
solidaire semble tre un capitalisme avec rgles et contraintes avec des
profiteurs raisonnables et des financiers scrupuleux qui oprent dans le cadre
dĠun libre march thique dveloppant des PME et coops vertes et
sociales ! Un cercle carr
avec a ?
DĠaffirmer le responsable du collectif de Qubec solidaire Gauche socialiste que Ç [l]Ġobjectif de cette publication [le Manifeste] est dĠouvrir un dbat sur les voies de sortie de la crise conomique et de la crise cologique. È Si la direction de Qubec solidaire avait voulu ouvrir un dbat, elle aurait utilis la procdure bien connue et bien rode dĠcrire une proposition quĠelle aurait envoye dans les instances de base pour fin dĠamendements et de contre-propositions afin dĠtre adopte au congrs de juin ou celui de cet automne. tant donn la question centrale de la crise globale du capitalisme dans la conjoncture, ce dbat selon des procdures simples et bien connues aurait soulev enthousiasme et passion et hauss dĠautant le niveau de participation dans le parti. Ë la place, la direction de Qubec solidaire a donn la priorit un tel dbat sur les statuts et une discussion sans possibilit de vote sur la question nationale dans le cadre dĠune procdure complexe o une chatte nĠy retrouve pas ses petits.
Le fermeture du dbat sur la question cruciale dĠun plan anti-crise a un sens politique quĠil faut saisir. Le responsable du collectif de Qubec solidaire Gauche socialiste prtend que Ç le Manifeste constitue une bonne amorce [pour] rflchir sur les excs du capitalisme et oser dpasser le capitalisme lui-mmeÉ È. Cela est vrai que si lĠon refuse la fermeture du dbat par la direction de Qubec solidaire. Cette direction se doute fort bien que si elle ouvrait enfin le dbat sur la question de la crise, elle verrait fortement critiqu sinon rejet son plan anti-crise en faveur dĠun plan alternatif qui ressemblerait davantage au plan dĠurgence propos, par exemple, par le Nouveau parti anticapitaliste de France. Ce plan en acquerrait dĠautant un caractre anticapitaliste.
Il est dĠailleurs tonnant que le responsable du collectif de Qubec solidaire Gauche socialiste prtende que le Manifeste laisse dans lĠombre la question du plan dĠurgence alors quĠil est clairement explicit mme sĠil propose une restauration du capitalisme qubcois donc seulement Ç attnuer les effets de la crise et non nous sortir de cette crise È. Si lĠauteur fait cette critique — on se rjouira quĠil ose enfin critiquer la direction de Qubec solidaire — cĠest que le programme dĠurgence, le plan anti-crise en annexe de ce texte, est bien l en toutes lettres.
Alors ne fermons pas la discussion et essayons dĠutiliser le dbat sur le programme pour faire avancer celui sur le plan anti-crise malgr que la direction nationale se soit donne le droit de faire un cahier de propositions sans slection pralable par une procdure de propositions votes la base dans les instances statutaires du parti. On se fera donc encore une fois assommer par une brique discuter en un temps record, comme ce fut le cas lors de la discussion sur la dernire plate-forme, rendant trs difficile une appropriation et donc la possibilit de contre-propositions alternatives labores et structures. Malgr tout, ma proposition sur Ç Une stratgie pour lĠindpendance en temps de crise È va dans ce sens.
Il faut avouer que les propositions de modifications statutaires en vue du congrs de juin, qui renforce la centralisation au nom de la dcentralisation, nĠont rien de rassurantes pour une ventuelle ouverture du dbat dmocratique. La seule proccupation prsente dans la rforme des statuts concerne le renforcement organisationnel de la direction, coordination nationale et excutif. Aucun autre sujet nĠest abord.
La direction, travers son comit des statuts nomm par elle,
propose le rapetissement de la coordination nationale qui se voit confirmer
explicitement Ç un
rle de direction politique È et dont le quart des membre, trois sur
douze, deviendra salari. Deux de
ces postes sont stratgiques. Les
postes de prsidence et de porte-parole (non dpute) fusionnent et cette
personne est charge de rien de moins que Ç de lĠlaboration et de la mise en oeuvre de la
stratgie politique du parti È. Celle-ci, en plus, a
le nouveau pouvoir de convoquer lĠexcutif, en pratique le bureau
dĠorganisation, mme si elle nĠen fait pas partie, excutif dont les pouvoirs
sont renforcs aux dpens de la coordination nationale. Le poste de coordination de la permanence est transform en
coordination gnrale et cette personne est charge de lĠimportante tche de
Ç supervise[r] la prparation et la ralisation des plans de travail È. Il y a l toute une concentration de pouvoir qui nĠa rien
voir avec le renforcement de la direction collgiale laquelle on prtend par
ailleurs.
LĠlectoralisme connat aussi une
promotion avec lĠapparition dĠun nouveau poste de responsable aux lections, la
disparition dĠun des deux postes de liaison avec les rgions, la disparition du
responsable de la formation — remarquer que pour ce quĠil y
avait de formation dans le partiÉ — et, last but not least, la fusion du responsable
lĠorganisation avec celui la mobilisation dont la premire tche devient
interne, soit Ç lĠorganisation des instances nationales È. Le parti de la rue en prend un coup. On peut peut-tre se rjouir du fait
que rien nĠapparaisse du ct comit de discipline aprs la frousse du Conseil
national de septembre 2008 o la base a rsist la tentative de la direction
dĠimposer une structure de dlation o un seul membre pouvait porter plainte
contre un autre auprs dĠun de ces nombreux nouveaux comit, crs
spcifiquement pour lĠoccasion, sur la seule base de Ç nuire la
rputation du parti È. Le pluralisme et la dissidence ont
encore un espace. NĠattendons pas
que la brche se ferme.
Marc Bonhomme, 13 mai 2009
Annexe :
Plan anti-crise du Manifeste du premier mai
á
Dcourager lĠpargne dans des rgimes privs et financiariss en rduisant
le plafond des REER 10 000$;
á
Encourager lĠutilisation de lĠpargne publique et collective pour la
retraite en permettant une augmentation volontaire dans la cotisation du RRQ
pouvant aller jusquĠ 13 % du revenu;
á
Protger et Ç verdir È notre bas de laine en modifiant le mandat de la
Caisse de dpt et de placement pour quĠelle investisse prioritairement au
Qubec et dans des entreprises cologiques et socialement responsables.
á
Crer au moins 40 000 emplois viables en :
-
Investissant massivement dans le transport en commun et collectif;
- Mettant sur pied un vaste chantier sur lĠefficacit nergtique;
- Investissant massivement en conomie sociale, dont 160 M $ au cours des deux prochaines annes;
- Construisant 50 000 nouveaux logements sociaux;
- Nationalisant et dveloppant lĠnergie olienne;
- Crant 38 000 nouvelles places en garderie;
- Embauchant plus dĠenseignant-e-s pour rduire le nombre dĠlves par classe au primaire et au secondaire;
- Offrant 4 manifestations culturelles par anne pour les lves du primaire au collgial;
á
Hausser le salaire minimum pour quĠil soit quivalent au seuil de faible
revenu;
á
Soutenir financirement les PME et les organismes communautaires la suite
cette augmentation;
á
Augmenter substantiellement les prestations la scurit du revenu;
á
Encourager les coopratives de travailleuses et de travailleurs qui
reprennent les entreprises rentables qui dlocalisent leurs activits;
á
Exiger des entreprises qui dlocalisent leurs activits quĠelles
remboursent les prts et aides fiscales quĠelles ont reus du gouvernement
qubcois;
á
Ne procder aucune hausse de frais dans les services publics;
á
Augmenter la liste des biens culturels et de premire ncessit exempts de
TVQ;
á
Recentrer les villes, villages et quartiers sur leurs propres capacits
se dvelopper conomiquement en finanant adquatement les Centre locaux de
dveloppement par exemple.
á
Investir plus de 1 milliard $ dans des mesures cratrices dĠemplois Ç verts
È (voir plus haut);
á
Appuyer une agriculture verte, locale, biologique et du terroir afin de
rduire notre dpendance lĠimportation et la monoculture;
á
tablir une politique dĠachat local, cologique et socialement responsable
et encourager les initiatives qubcoises qui sont bnfiques lĠenvironnement
et la socit;
á
Moduler la TVQ sur les biens autres que culturels et de premire ncessit
afin quĠelle augmente pour les biens de luxe ou polluants.