19 dŽcembre 2009

 

Article pour le journal UnitŽ ouvrire

 

QuŽbec-monde 2009

Commencement de la fin ou commencement de la faim ?

 

Tout va trs bien M. le premier ministre (ou M. le prŽsident ou Mme la chancelire), tout va trs bien.  Il y a bien vos petits copains, M. le premier ministre, qui sĠen mettent plein les poches mais comme cĠest nous qui payons ˆ coups dĠurgences bondŽes, de classes dŽbordantes, de nuits passŽes dehors et bient™t de super-tarifs, pas besoin de commission dĠenqute.  Il y a aussi ces Afghans, M. lĠautre premier ministre, quĠon laisse se faire torturŽs mais comme ce sont que des terroristes rŽels ou en puissance, leurs droits ne valent pas la rente pŽtrolire des sables bitumineux au bŽnŽfice de vos gras copains.  Il y a bien votre escalade guerrire, M. le prix Nobel de la paix — ce M. Nobel nĠest-il pas lĠinventeur de la dynamite ? — mais le sauvetage de la dŽmocratique civilisation judŽo-chrŽtienne ne nŽcessite-il pas quelques drones, et pas mal de bombes, sur la tte de ces barbus et femmes voilŽes ?  Il y bien, mesdames et messieurs les grands sages de Copenhague, lĠocŽan qui gobe quelques ”les tropicales et une poignŽe dĠInuits qui sĠenfoncent dans le pergŽlisol.  Au diable ! On ira se faire griller au soleil du Labrador en bouffant des oranges du GroenlandÉ le pain sera devenu trop cher.  Le Berlusconi italien est blessŽ — par un fou mais est-ce un sage ? — vive le nouveau Berlusconi chilien !

 

La crise ?  Quelle crise ?  On sĠest tellement habituŽ au marasme de la guenille, de la fort et de la pche quĠon fait le vide autour des derniers chialeuxÉ contre Ottawa.  La solution est bien connue : on remplace les arbres par des VTT, les poissons par des touristes — y a-t-il une diffŽrence ? — et les usines par des Wall-MartÉ non syndiquŽs Žvidemment.  Les Bangladaises nous habillent, les Chinoises nous branchent, le Mexicaines nous nourrissent, les Latinos nous servent et les Philippines torchent nos bourgeoisÉ ˆ des conditions amŽliorŽes, gracieusetŽ du gouvernement Conservateur.  Comment les payerÉ presque rien ?  Ë coups dĠune montagne de dettes aux dŽpens des mmes damnŽs de la terre, hier celles de vous et moi, avant-hier et aujourdĠhui celles des gouvernementsÉ au QuŽbec et au Canada, les deux ˆ la fois.  Ce nĠest pas assez ?  On actionne la planche ˆ billets et tant pis pour la stagflation de demain.  Les pauvres ?  Elles ont leur chque mensuel ou leur salaire minimum que notre bon gouvernement LibŽral vient de faire grimper au ciel.  Les sans-abris ?  Ils ont leur soupes populaires auxquelles notre bon gouvernement LibŽral — ils exagrent ! — vient de donner une gŽnŽreuse subvention pour No‘l.  Ils sont chanceux, il y en a un milliard qui crve de faim dans le monde.  Tout au bas de lĠŽchelle reste cette si charitable Žlite Žtasunienne qui se sacrifie pour la paix du mondeÉ payŽ par lĠargent extrait de la sueur chinoise pour saigner les peuples dont le sienÉ et le n™tre.  On ne les oublie pas : on leur vend notre ŽlectricitŽ et notre aluminium beau, bon, pas cherÉ et quelques armements.  Pour consoler les uns et les autres, nos jeunes technophiles leurs fabriquent des jeux vidŽo ˆ la tonneÉ pour nous aussi, histoire de se droguer de virtuel o lĠon tue sans saigner.  

 

La survie de la plante ?  On va quand mme pas achever Bombardier, Pratt et Whitney et Transat en empchant les gens de voyager par avion.  Comment tre heureux sans aller ˆ Cuba chaque hiverÉ ou en rver ?  Fidel ne serait pas content.  Faudra-t-il y aller en chaloupe aprs tre allŽ travailler en bixi ?  Ils vont quand mme pas nous faire maigrir !  On ne va quand mme pas laisser tomber nos bungalow et nos chars !  (Avouons que sĠil y avait des logements et des transports publics qui avaient de lĠallure, on les laisserait joyeusement tomber.  En plus on pourrait travailler moins en Žtant plus heureux.)  En attendant, on serait fou de ne pas en acheter avec un taux dĠintŽrt tendant vers zŽroÉ en autant que Lacroix et compagnie ne nous aient pas lessivŽ.  Que les na•fs portent leur croix !  On est bien trop heureux ˆ travailler comme des fous pour payer nos dettes et pour entretenir nos stocks de Ç biens durables ÈÉ pas trs durablesÉ et avoir peur de devenir ch™meuses.  Quand la consommation va, tout vaÉ surtout pour le capital qui, autrement, ne pourrait plus sĠaccumuler. 

 

Peut-on imaginer Ti-Jean alias Patapouf survivre sans la cote triple A de MoodyĠs, la cote Alberta/Arabie saoudite/Abou Dhabi ?  Attention, nous on a les mains propresÉ mais si on pouvait donc trouver du pŽtrole dans le Golfe.  Pas de problme de pollution, il nĠy a plus de poissons.  Ë bien y penser si on couvrait le QuŽbec dĠŽoliennes on pourrait tous sĠenvoler ˆ Cuba.  Plus de tempte de neige.  Plus de problme dĠindŽpendance.  Trop chaud pour porter le voile.  Les Inuits ?  On les laisserait sĠautodŽterminer sur la banquise.  Elle fond ?  Ils pourraient ramer jusquĠˆ la Terre de Baffin pour y planter des palmiers.  Financiers du monde, y avez-vous acheter des terrains ?  Beaucoup plus payant que le marchŽ des droits de polluerÉ en attendant le marchŽ des droits de respirer.  Il nĠy a que Greenpeace pour crier ˆ la dŽforestation.  Ne pourraient-ils pas nous ficher la paixÉ verte ?  Heureusement quĠil reste un lucide au Canada, son premier ministre.  Nous, on est encore plus chanceux : on en a quatre, les quatre Žconomistes de lĠApocalypse, qui nous concocte un budget qui ne sera pas vert, cĠest garanti !

 

Le QuŽbec nĠest pas fier de ses FIER ?  Coudons, le veut-on ce QuŽbec fort dans un Canada uni ?  Merck and Frost cĠest America Inc.  Bombardier cĠest Canada Inc.  Power Corp. cĠest World Inc.  CŽline et le Cirque du soleil, quand son propriŽtaire nĠest pas dans la lune, amusent les ƒtasuniens dans la capitale des casinos.  Les chialeux nĠen ont pas voulu ˆ MontrŽal.  Nos syndiquŽs ne veulent pas se sacrifier au QuŽbec pour effacer la banqueroute des imprimeries QuŽbŽcor en dehors du QuŽbec.  Ils ont dŽjˆ chassŽ lĠindustrie de lĠauto.  Reste quoi ?  Le complexe de lĠasphalte, du bois et du ciment, le complexe ABC.  Amenez-en des autoroutes.  Amenez-en des barrages.  Et que a paye.  On ne va quand mme pas obliger notre complexe national ABC ˆ fabriquer des Žoliennes, cĠest bien trop cher ˆ apprendre comment.  Ti-Jean, soutenu par GŽrard-le-sourire-fendu-jusquĠaux-oreilles, lĠa bien compris.  Les dŽficits dĠObama cĠest pour sauver les banques, ceux de Harper pour sauver lĠaxe Toronto-Calgary, ceux de Ti-Jean pour sauver le complexe ABC.  Les rentes hydro-quŽbŽcoise, minireÉ et celle des contrats sans appel dĠoffre, y compris pour remplacer le mŽtro, cĠest pour le capital, pas pour le peuple.    Au capital financier de Wall Street et Bay Street le filet mignon, ˆ Bombardier le r™ti de c™te, au complexe ABC la viande hachŽe.  Reste au peuple ˆ gruger les osÉ une fois que Desjardins a pris la moelle.   Et tous unis derrire Hydro pour la conqute du Nouveau-BrunswickÉ et de sa centrale nuclŽaire !

 

LĠindŽpendance ?  Pour quoi faire ?  CĠest Ti-Jean le vrai successeur de Ti-Poil.  Les syndicats du public ont mangŽ une volŽe en 1982, ils en ont mangŽ une en 2005, ils vont en manger une en 2010.  Ti-Jean a compris quĠil faut les nŽgocier ˆ mort pour leur enlever de la tte lĠidŽe de la grve gŽnŽrale comme en 1972.  Un vrai pŽquiste ce Ti-Jean !  QuĠil Žtait beau et sublime notre frisŽ national ˆ Copenhague.  CĠest pas moi qui le dit mais le pŽquiste LisŽe.  Le PQ ne veut mme pas de dŽficit pour subventionner le complexe ABCÉ ni pour sauver le peuple.  LĠidŽal pŽquiste cĠest le Ç dŽficit zŽro È avec coupures drastiques bŽni par les bonzes syndicaux.  En fait le PQ ne sait plus trop ce quĠil veut.  Il est ˆ la recherche de son identitŽ en essayant de faire croire au peuple quĠil est ˆ la recherche de la sienne.  On ne serait ni anglo ni allo, peut-tre mme pas des francos dĠaprs la conqute.  Comme les autres ont pas mal de sang autochtone, ne reste plus quĠun squeletteÉ qui gruge un os.  Ti-Jean, lui, conna”t la solution, la solution Sarkozy : Ç Hi ! If you want to speak in French, press one. È  De toute faon, M. IndŽpendance lui-mme, Ti-Jacques, sĠest rŽconciliŽ avec Bob le mangeux de hot dog — bon Dieu quĠon le regrette — : lĠindŽpendance, cĠest la Ç souverainetŽ culturelle È ˆ la mode ALƒNA.  Finalement, tout le monde est dĠaccord sur le fond.  Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

 

QuŽbec solidaire ?  Il en est encore ˆ chercher o est Copenhague sur la mappemonde.  Et il a oubliŽ o Žtait Kaboul.  Il dŽnonce le mŽchant capital ˆ tour de bras mais il ne veut pas le taxer.  Si une usine ferme, il verse des larmes de crocodiles, en appelle ˆ la bonne foi patronale, supplie Ti-Jean dĠintervenir et conseille aux travailleurs de former une coop avec salaires et conditions de travail de lĠŽconomie sociale.  Il ne lui viendrait pas ˆ lĠesprit dĠinterdire les congŽdiements collectifs aux frais du capital.  Il est pour les droits territoriaux des Autochtones et des Inuit mais il pense quĠils nĠont pas de territoires bien ˆ eux.  La Ç souverainetŽ populaire È lui sert comme le PQ se servait de la Ç souverainetŽ-partenariat È : noyer le poisson de lĠindŽpendance/souverainetŽ (ou le contraire).  Le chat sortira du sac aprs les Calendes grecques dĠune assemblŽe constituante une fois Žlu, sous le chapeau de la constitution fŽdŽrale, un gouvernement QuŽbec solidaire.  En attendant, il parle le moins possible dĠindŽpendanceÉ sauf parfois le dimanche.  CĠest quand mme utile pour occuper pendant toute une annŽe une base qui a la bougeotte.  QuŽbec solidaire pense tre un parti alors quĠil se comporte comme un gros groupe de pressionÉ sous la pression centralisatrice de Franoise pendant quĠAmir amuse la galerie.  Ah! les vedettesÉ portŽes par nos mŽdias contr™lŽs par les copains Paul et KarlÉ et lĠami fŽdŽral.  Quel magnifique moyen de contr™le !  QuŽbec solidaire pense tre le parti du peuple mais cĠest lˆ un peuple imaginaire dŽfini par des travailleurs sociaux o tous et toutes vivent dans la pauvretŽ et lĠexclusion.  Pour lĠinstant, Ti-Jean peut sĠaccommoder de Franoise bien mieux que de Pauline.  Il peut avant No‘l faire de petits cadeaux au peuple pauvre — pauvre peuple ! — et dĠautres Ç accommodements raisonnables È le restant de lĠannŽe pour Žloigner Pauline du pouvoir parlementaireÉ qui nĠen a que lĠapparence. 

 

Ce serait tout une autre paire de manches si QuŽbec solidaire se muait en parti de la rue luttant pour une indŽpendance de gauche affrontant les banques et les pollueurs pour leur arracher le pouvoirÉ rŽel.  Ti-Jean sait quĠil nĠa rien ˆ craindre de ce c™tŽÉ pour le moment.  Ce ne sont pas Franoise et Amir qui vont en appeler ˆ des Žtats gŽnŽraux pour faire de la lutte du Front commun un affrontement politique.  Mais sait-on jamais : QuŽbec solidaire, contrairement au PQ, nĠest pas issu du sommet de la sociŽtŽ mais de sa base.  Ti-Jean le malin le sait fort bien : donc mŽfiance et prudence.  Pauline et lui sont du mme monde : ce sont des adversaires mais frre et sÏur dans la richesse.  Une Franoise amie des pauvres et des exclues est fort utile pour le jeu politique de Ti-Jean surtout si le PQ chasse sur les terres de lĠADQ.  Mais elle nĠest pas une sÏur.  PoussŽe par la colre populaire une sÏur reste une sÏur mais une utile amie des pauvres et des exclues pourrait devenir une dangereuse combattante du prolŽtariatÉ en 2010 ?  On a le droit de rverÉ et dĠagir.

 

Marc Bonhomme, 19 dŽcembre 2009