1er janvier 2009

 

Pour arrter la guerre gŽnocidaire contre Gaza,

SĠimpose une grande manifestation syndicale-populaire

 

Ç ÒIl y a un ƒtat sur la terre sans chaleur, sans gaz, sans pŽtrole, sans diesel, sans mŽdicaments, sans nourritureÓ de dire f‰chŽ Muhammad Ahmed, 33 ans [un petit commerant de Rahfa, c™tŽ Žgyptien]. ÒLes Juifs ont tout et ils ne veulent pas comprendre que de lĠautre c™tŽ il nĠy a rien !  Les gens creusent des tunnels parce quĠils ont faimÓ insiste-t-il avant de mettre en garde : ÒQuand vous ne nourrissez pas des animaux, ils deviennent enragŽs et vous mordentÓ È (New York Times, 1er janvier 2009, ma traduction)

 

 

Soyons clairs ds le dŽpart : la guerre contre Gaza est gŽnocidaire mme si cĠest un gŽnocide ˆ feu lent qui nŽcessite des manÏuvres tactiques ˆ cause des feux de la rampe mŽdiatiques.  Cependant, ˆ lĠheure actuelle, les journalistes y sont interdits.  Heureusement que la sophistication des moyens modernes de communication et la centralitŽ gŽopolitique de la Palestine interdisent lĠisolement politique ˆ la Rwanda.  Si on admet que cette guerre est gŽnocidaire, on ne peut se satisfaire dĠun baroud dĠhonneur de quelques centaines de personnes et puis en revenir aux pŽtitions et petites manifs rituels dĠantan.

 

RŽglons son compte dĠabord au mythe de la responsabilitŽ dĠHamas tel, par exemple, que cržment expliquŽ par lĠŽditorialiste AndrŽ Pratte de La Presse

Ç DisproportionnŽe [la riposte dĠIsra‘l]? Sait-on seulement ˆ quoi les IsraŽliens rŽpliquent? Depuis 2005, le Hamas a tirŽ quelque 6300 roquettes sur le territoire israŽlien. Bilan : une dizaine de morts, des centaines de blessŽs, des villes terrorisŽes. Les mŽdias occidentaux en ont peu parlŽ. Ë quand la dernire manifestation ˆ MontrŽal contre les attentats commis par le Hamas? Qui a lancŽ ses souliers sur la photo du chef du Hamas? [É] Qu'est-ce qu'une dizaine de morts comparativement au plus de 350 morts de l'attaque contre Gaza, diront certains. Tiendraient-ils le mme raisonnement si un groupe de terroristes mohawks de Kahnawake tirait chaque jour des missiles de fortune contre l'”le de MontrŽal? [É] Que veut-on dire par une rŽplique ÇproportionnelleÈ? Isra‘l n'a-t-il pas le droit d'user de la puissance de feu nŽcessaire pour Žtouffer la menace? La proportionnalitŽ de reprŽsailles armŽes ne peut tre jugŽe par une comparaison du nombre de victimes. Il faut plut™t se demander si la riposte est justifiŽe, si elle vise des cibles militaires et si tout est fait pour Žpargner la population civile. Dans le cas prŽsent, la rŽponse aux trois questions nous para”t positive. È

 

La rŽponse du professeur Rachad Antonius de lĠUQAM met les points sur les ÔiĠ :

Ç La propagande du gouvernement israŽlien a ŽtŽ compltement intŽriorisŽe dans le discours dominant des mŽdias quŽbŽcois et canadiens. [É] [C]e n'est pas le Hamas qui a brisŽ la trve mais bien Isra‘l.  C'est le 4 novembre 2008 que la trve, qui durait depuis quatre mois, a ŽtŽ brisŽe par Isra‘l lors d'un bombardement qui a fait six morts parmi les Palestiniens. CĠest seulement aprs ces assassinats ciblŽs que les tirs de roquettes ont repris, pas avant. Le 17 novembre, les IsraŽliens bombardaient ˆ nouveau et tuaient quatre autres Palestiniens, amenant le total de morts palestiniens ˆ quinze depuis le bris de la trve par Isra‘l. [É] Ds le lendemain du 4 novembre Isra‘l a dŽcidŽ de boucler compltement Gaza et de ne pas permettre la circulation de nourriture et de mŽdicaments. Entre le 5 novembre et le 30 novembre 2008, seuls 23 camions de vivres ont pu entrer ˆ Gaza alors qu'en moyenne, ce sont 3000 camions par mois qui peuvent rŽpondre aux besoins de la population qui se chiffre ˆ 1.5 millions. La situation humanitaire dŽjˆ dŽsastreuse, et dŽnoncŽe comme telle par les reprŽsentants de l'ONU,  est devenue encore plus catastrophique suite ˆ ce blocus. Mais ni les bombardements IsraŽliens ni le blocus ne sont considŽrŽs comme des actes d'agression. È

 

Quant ˆ la comparaison avec la nation KanienkeĠhaka (Mohawk), contentons-nous de dire que si les gouvernements quŽbŽcois et canadien leur imposaient un blocus ˆ la Gaza et que la solidaritŽ des peuples quŽbŽcois, canadien et internationale Žtaient inopŽrantes, il leur serait certainement lŽgitime de recourir aux moyens jugŽs par eux nŽcessaires pour ne pas crever.  (Durant la crise dĠOka de lĠŽtŽ 1990, on sĠest rapprochŽ de cette situation avec le blocus alimentaire et la lapidation du cortge automobile de vieillards, femmes et enfants KanienkeĠhaka ˆ Ville Lasalle.)  Quant ˆ la pertinence politique, cĠest aux peuples pris dans cet Žtau dĠen dŽcider seuls Žtant donnŽ quĠils seront les seuls ˆ en subir les consŽquences dŽvastatrices.  Et ce nĠest certainement pas aux oppresseurs de qualifier le degrŽ dŽmocratique de leurs dŽcisions Žtant donnŽ quĠun tel degrŽ dĠoppression a justement comme effet dĠempcher lĠexpression Ç normale È de la dŽmocratie. 

 

Le problme crucial est plut™t la dŽfaillance internationaliste des peuples des pays impŽrialistes, leur incapacitŽ ˆ forcer leurs gouvernements ˆ condamner, boycotter et isoler Isra‘l.  Cette dŽfaillance est tellement prononcŽe que les gouvernements impŽrialistes sont de plus en plus pro-sionistes ˆ commencer par le gouvernement canadien qui, calquant sa position sur le gouvernement Žtasunien, Ç [d]ans un communiquŽ publiŽ samedi [le 27 dŽcembre], [É] a toutefois prŽcisŽ que l'ƒtat hŽbreu avait Òparfaitement le droit de se dŽfendreÓ contre des attaques envers sa population civile. È  Cette dŽrive sĠŽtend dŽsormais ˆ lĠUnion europŽenne  et jusquĠau pro-Žtasunien et dictatorial gouvernement Žgyptien qui bl‰me Hamas et contr™le sa frontire avec la bande de Gaza tout aussi fermement que le gouvernement israŽlien.  Heureusement quĠil y a la solidaritŽ populaire et mme familiale qui a obligŽ le gouvernement Žgyptien a laissŽ creuser une centaine de tunnels dĠapprovisionnement civil et militaire que, cependant, les lourds bombardements israŽliens rendent dŽsormais quasi inopŽrants.  

 

Et le droit international interdisant la violence contre des civiles innocents, objectera-t-on ?  Ne pourrait-on pas tre de lĠavis de Nir Rosen, un fellow du New York University Center on Law and Security, qui publie dans le Atlantic Monthly, le New York Times Magazine, le New Yorker, etc. dans le Guardian ? :

Ç Un journal Žtasunien mĠa un jour demandŽ de faire un essai discutant sĠil Žtait possible de justifier lĠemploi du terrorisme contre des civils.  Ma rŽponse a ŽtŽ de dire quĠun journal Žtasunien ne devrait pas demander une telle question.  CĠest une question que doivent se poser les faibles, les AmŽrindiens anciennement, les Juifs dans lĠAllemagne nazie, les Palestiniens aujourdĠhui. [É] Les rgles normatives sont dŽterminŽes par les rapports de force.  Ce sont les puissants qui dŽterminent ce qui est lŽgal ou non.  Ils Žtouffent les faibles par des entraves lŽgales pour les empcher de rŽsister.  Pour les faibles, rŽsister est illŽgal par dŽfinition.  Des concepts comme le terrorisme sont inventŽs et utilisŽs normativement comme si un tribunal neutre les avait produits et non les oppresseurs. [É] Attaquer des civils est lĠultime et la plus dŽsespŽrŽe mŽthode de rŽsistance face ˆ une situation sans issue et ˆ une Žradication imminente. È (ma traduction)

 

Comme le souligne le mouvement BDS (Boycott, dŽsinvestissement et sanctions pour la Palestine) :

Ç Le professeur Richard Falk, rapporteur spŽcial du Conseil des droits de lĠhomme des Nations unies pour les Territoires palestiniens occupŽs et professeur ŽmŽrite de droit international ˆ lĠuniversitŽ de Princeton, a dŽcrit en ces termes le sige israŽlien de Gaza lĠannŽe dernire, alors quĠil nĠŽtait pas encore comparable en gravitŽ ˆ la situation actuelle :

ÒEst-ce une exagŽration irresponsable que dĠassocier le traitement des Palestiniens aux pratiques dĠatrocitŽs collectives des Nazis ? Je ne le crois pas. Les rŽcents dŽveloppements ˆ Gaza sont particulirement inquiŽtants parce quĠils expriment de faon frappante une intention dŽlibŽrŽe de la part dĠIsra‘l et de ses alliŽs de soumettre une communautŽ humaine toute entire ˆ des conditions de la plus grande cruautŽ qui mettent en danger sa vie. La suggestion que ce schŽma de conduite est un holocauste en train de se faire reprŽsente un appel assez dŽsespŽrŽ aux gouvernements du monde et ˆ lĠopinion publique internationale ˆ ce quĠils agissent dĠurgence pour empcher que ces tendances actuelles au gŽnocide nĠaboutissent ˆ une tragŽdie collective.Ó

 

Si le rapporteur de lĠONU parlait en 2007 dĠÇ holocauste en train de se faire È, lĠanalyste militant pro-palestinien israŽlien Michel Warschawsky du Alternative Information Center nĠhŽsitait pas il y a un mois dĠaffirmer que Ç lĠEtat dĠIsra‘l conduit un gŽnocide rampant contre le peuple de Gaza È.  Le jour mme du dŽbut de lĠattaque israŽlienne, Michel Warschawsky rŽclamait : 

LĠEtat dĠIsra‘l doit tre suspendu des institutions internationales, tant que Gaza sera assiŽgŽ et que lĠaviation et lĠartillerie israŽlienne continueront ˆ massacrer sa population !

Les dirigeants politiques et militaires israŽliens doivent tre tra”nŽs en jugement dans un tribunal international pour crimes de guerre !

Suivons lĠexemple de nos camarades britanniques, et disons clairement que o que Barak, Ashkenazi, Olmert ou Livni veuillent aller, ils seront accueillis par une inculpation pour les crimes de guerre quĠils ont commis dans les territoires palestiniens occupŽs !

 

Quant au mouvement BDS, il se rŽclame du

 Pre Miguel DĠEscoto Brockman, PrŽsident de lĠAssemblŽe gŽnŽrale de lĠONU [qui] a prŽconisŽ dans un rŽcent discours devant lĠAssemblŽe la seule voie morale ˆ suivre par les nations du monde dans leurs rapports avec Isra‘l :

ÒIl y a plus de vingt ans, nous, les Nations Unies, avions suivi la voie de la sociŽtŽ civile lorsque nous avions convenu que des sanctions Žtaient nŽcessaires pour fournir des moyens de pression non violents contre lĠAfrique du Sud afin quĠelle mette un terme ˆ ses violations. AujourdĠhui peut-tre, nous, les Nations Unies, devrions-nous envisager de suivre la voie dĠune nouvelle gŽnŽration de la sociŽtŽ civile, qui appelle ˆ une campagne non violente similaire de boycottage, de dŽsinvestissement et de sanctions pour faire pression sur Isra‘l afin quĠil mette un terme ˆ ses violations.Ó

 

Faudrait-il compter sur lĠespoir et le changement ˆ la Obama pour bouleverser  la politique impŽrialiste vis-ˆ-vis la Palestine ?  De rŽpondre le journaliste Jooneed Khan de La Presse du 30 dŽcembre :

Ç Si Obama Žtait ˆ Crawford ˆ la place de Bush, ou si la Maison-Blanche Žtait dŽjˆ ˆ Hawaii avec Obama comme prŽsident en exercice, lĠancien sŽnateur de lĠIllinois aurait-il dit autre chose que ce que Bush a dit hier sur Isra‘l et Gaza? On en doute. È

Ne reste plus quĠˆ compter sur les mobilisations populaires dŽjˆ nombreuses et parfois importantes dans le monde arabo-musulman malgrŽ une rŽpression des gouvernements arabes pro-Žtasuniens dont lĠAutoritŽ palestinienne de Cisjordanie contr™lŽe par le Fatah.  On peut parier quĠelles se rŽpercutent en pressions diplomatiques pour forcer le gouvernement israŽlien ˆ au moins laisser passer des convois humanitaires et ˆ tenter de minimiser les pertes civiles dues aux bombardements aŽriens et navales.

 

Reste que lĠobjectif de la mobilisation doit tre de mettre fin non seulement aux bombardements israŽliens mais aussi de mettre fin ˆ lĠŽtat de sige/blocus qui est la base matŽrielle du gŽnocide ˆ petit feu.  Ce serait cŽder ˆ la propagande sioniste que de rŽclamer en prioritŽ un Ç cessez-le-feu immŽdiat et inconditionnel È — ce qui est lĠobjectif officiel du gouvernement israŽlien mme si son objectif officieux reste le discrŽdit du Hamas pour que le peuple de Gaza le rejette — sans plus de prŽcision comme le fait, par exemple, lĠorganisation les Canadiens pour la paix et la justice au Moyen-Orient mme si viennent ensuite les revendications concernant le blocus et lĠoccupation (mais nŽgligeant la revendication tout aussi stratŽgique du droit au retour).  Une fois le blocus levŽ, on peut tre certain que lĠenvoie de missiles imprŽcis sur Isra‘l cesserait. 

 

Ce nĠest pas lˆ fendre les cheveux en quatre mais rŽaliser que la moindre ambigu•tŽ dans le cadre dĠun rapport de forces ˆ ce point disproportionnŽ est un cadeau aux gŽnocidaires et ˆ leurs soutiens.  Au contraire, cĠest le gouvernement gŽnocidaire qui doit tre banni de la communautŽ internationale comme le mouvement BDS et Michel Warschawsky le rŽclament.  CĠest un front uni quĠil faut construire sur la base de revendications claires et non pas un dŽmobilisant front populaire de compromis qui joue le jeu ennemi.  Au Canada sĠajoute la spŽcificitŽ du boycott de la plus grande cha”ne de librairies du Canada anglais, Indigo/Chapters, dont les propriŽtaires financent une lŽgion Žtrangre au sein de lĠarmŽe israŽlienne, et le statut dĠorganisme de charitŽ de la filiale canadienne du Fond national juif qui a financŽ un Ç Parc Canada È sur les ruines de trois villages palestiniens en Cisjordanie occupŽe.

 

Peu de syndicats ont jusquĠici appuyŽ le mouvement BDS au Canada et au QuŽbec.  On peut signaler des rŽsolutions de congrs du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, de la FŽdŽration nationale des enseignantes et enseignants du QuŽbec et du Syndicat de l'enseignement de Champlain (rive Sud de MontrŽal).  Forcer le gouvernement canadien ˆ faire un virage de 180 degrŽs contre le gouvernement gŽnocidaire israŽlien requiert un autre rapport de forces telle une manifestation monstre similaire ˆ celle sĠopposant au dŽclenchement  de la guerre des ƒU contre lĠIraq le 15 mars 2003 qui avait rassemblŽ environ 200 000 personnes ˆ MontrŽal. 

 

Qui fera lĠappel ?  Il pourrait venir de nĠimporte o dont cette Coalition pour la justice et la paix en Palestine qui fŽdre les organisations quŽbŽcoises soutenant la Palestine.  Cependant, comme beaucoup de larges coalitions, elle para”t paralyser par dĠimpossibles consensus.  Ë elle de prouver le contraire.  Face ˆ un mouvement syndical encore sonnŽ par la grande dŽfaite du secteur public de dŽcembre 2005, dont il refuse de faire le bilan, le QuŽbec recle-t-il une force nouvelle crŽdible susceptible de crŽer un mouvement dĠensemble ?  Les dernires Žlections ont valu ˆ QuŽbec solidaire, malgrŽ un score Žlectoral relativement stagnant et mme en rŽgression en termes de chiffres absolus, un dŽputŽ, le premier qui se rŽclame de la gauche au Parlement quŽbŽcois depuis 1944. 

 

On est cependant quelque peu abasourdi par le silence retentissant du site web de QuŽbec solidaire ˆ propos de la guerre gŽnocidaire dĠIsra‘l au moment dĠŽcrire ces lignes.  Quel contraste avec la candidate prŽsidentielle du Green Party des ƒU qui Žtait ˆ bord dĠun navire qui sĠest fait Žperonner par la marine israŽlienne en tentent de rallier la bande de Gaza.  Peut-tre est-ce lĠengourdissement du temps des Ftes propice ˆ la rŽcupŽration post-Žlectorale ? 

 

Il sera toujours temps de se rattraper non seulement en prenant une position non ambigu‘ ˆ la hauteur dĠun parti indŽpendantiste prt ˆ se dŽmarquer du chauvinisme impŽrial canadien et sensible ˆ tout ce qui concerne toute lutte de libŽration nationale particulirement contre un gŽnocide mais aussi en prenant lĠinitiative dĠun appel ˆ un grand rassemblement anti-guerre gŽnocidaire.  Tel est mon vÏu du Jour de lĠan 2009, cinquantime anniversaire de la prise du pouvoir par le Mouvement du 26 juillet ˆ Cuba.

 

 

Marc Bonhomme, 1er janvier 2009