28 fŽvrier 2009

 

La crise de la Caisse de dŽp™t et de placement du QuŽbec

Quand la direction de QuŽbec solidaire proposera-t-elle une solution de gauche ?

 

 

Les LibŽraux quŽbŽcois, par leur loi b‰illon de 2004, ont transformŽ la Caisse de dŽp™t et de placement du QuŽbec (CDPQ) en (mauvais) spŽculateur nŽolibŽral au point que celle-ci est allŽe jusquĠˆ emprunter massivement pour se doter dĠun effet de levier et dĠtre le champion canadien de ces produits toxiques que sont les PCAA.  Il y a belle lurette que la Caisse a dŽsertŽ le QuŽbec pour tenter de jouer le jeu du marchŽ mondial jusquĠˆ investir ˆ perte dans les aŽroports et ports britanniques.  Il y a ˆ ce comportement une explication structurelle.  DĠune part une tentative ˆ haut risque de la demie bourgeoisie quŽbŽcoise de ne pas tre marginalisŽe dans le marchŽ global et mme dans la zone ALƒNA (qui revient hanter le gouvernement du QuŽbec sous la forme dĠune plainte dĠune multinationale Žtasunienne contre sa loi des pesticides).  DĠautre part, une urgence fiscale pour que la Caisse soit en mesure dĠavoir les fonds pour garantir les pensions de retraites (et certaines assurances sociales) malgrŽ une dŽmographie de vieillissement plus importante quĠailleurs due ˆ une double carence de natalitŽ, malgrŽ une faible hausse rŽcente, et une faible capacitŽ dĠimmigration.    

 

Comme le PQ, la direction de QuŽbec solidaire (QS) fait de la surenchre avec la crise de la CDPQ.  Tous deux ont tort de laisser entendre que la Caisse ne se souciait plus des intŽrts de QuŽbec Inc.. La Caisse sĠŽtait tout simplement ajustŽe ˆ la nouvelle donne dĠun QuŽbec Inc. mondialisŽ (et canadianisŽ) aux prises avec un dŽfi fiscal imposŽ de Ç dŽficit zŽro È bi-partisan comme on dit aux ƒU.  QS, constatant dans un premier temps quĠelle exigeait la mme chose que le PQ, soit la comparution des responsables politiques ˆ une commission parlementaire et pas seulement des responsables de la Caisse, elle en a rajoutŽ deux jours plus tard en exigeant cette fois une commission dĠenqute publique en sus de la commission parlementaire.  Cependant, dans aucun des deux communiquŽs de presse nĠest-il question dĠune solution, pas plus que le PQ nĠen a une.  Pourtant, le plan anti-crise de la direction de QS met de lĠavant une solution implicite soit le renflouement volontaire de la Caisse par ses cotisants, le prolŽtariat quŽbŽcois, pour soutenir un capitalisme quŽbŽcois vert et social.

 

Je rŽitre ma critique de ce capitalisme anticapitaliste :

Ç La mythologie du capitalisme social repose sur le fait quĠun travailleur bien payŽ est plus productif et consomme plus.  Le capitalisme est dĠaccordÉ jusquĠˆ ce que le concurrent paye moins.  Alors sĠimpose la logique de la peur du ch™mage — le capital en maintient toujours une armŽe de rŽserve quĠil reconstitue quand les syndicats deviennent trop arrogants.  [É]   La mythologie du capitalisme vert repose sur la logique de minimisation des cožts au niveau de lĠentreprise, donc aussi les cožts ŽnergŽtiques et de matires premires.  [É] La logique globale du capitalisme [cependant] est ˆ lĠaccumulation du capital et en corollaire de la consommation qui devient de masse.  Pourquoi ?  Parce que la loi de la concurrence entre capitaux privŽs Žlimine ceux qui ne rŽinvestissent pas systŽmatiquement leurs profits ou qui en font moins que leurs concurrents.

Une image, qui vaut mille mots, au niveau de la consommation : on peut bien amŽliorer la performance ŽnergŽtique de chaque automobile, la croissance du nombre dĠautomobiles finit par effacer le gain potentielÉ et il y a une limite ˆ rŽduire la consommation dĠŽnergie et de matires premires par auto mais non ˆ multiplier le nombre dĠautos.  Le transport collectif ?  Le capital est absolument pour — en mode PPP ce serait encore mieux — car la congestion urbaine augmente indirectement les cožts de la main dĠÏuvreÉ mais pas comme substitut ˆ lĠautomobile individuel, comme ajout. È  

 

Je rappelle aussi la fonction cruciale de la Caisse pour le capitalisme quŽbŽcois, cette grenouille qui voudrait devenir aussi grosse que le bÏuf :

Ç Le capitalisme quŽbŽcois nĠa pas non plus de problme majeur avec une institution financire Žtatique comme la Caisse — il a toujours compris que cĠŽtait nŽcessaire ˆ un petit capitalisme national se colmatant ˆ des gŽants dans le cadre de lĠALƒNA et de lĠOMC — en autant quĠil le contr™le en dernire analyseÉ ce qui est le cas de la Caisse de dŽp™t et de placement avec lĠassentiment des directions syndicales converties depuis longtemps aux bienfaits de la Ç gouvernance È capitaliste ˆ laquelle elle participent par lĠintermŽdiaire des dit Ç fonds de solidaritŽ È, institutions de capital de risque grassement subventionnŽes par la fiscalitŽ pour rŽcolter lĠŽpargne des travailleurs syndiquŽs. È

 

La solution nĠest donc pas de sauver la Caisse, pas plus quĠen gŽnŽral il faut sauver les banques, mais de sauver les pensions de retraite (et le financement des compensations aux accidentŽs du travail et de la route), comme en gŽnŽral il faut sauver le peuple travailleur de la crise.  Comment ?  Le programme anti-crise du Nouveau parti anticapitaliste franais suggre le moyen :

 Ç É les retraites par rŽpartition doivent permettre ˆ chacun-e de bŽnŽficier aprs une durŽe maximum de cotisation de 37,5 annuitŽs, ˆ 60 ans maximum (55 ans pour les travaux pŽnibles), dĠune retraite complte correspondant ˆ 75 % du meilleur salaire, et dans tous les cas Žgale au SMIC. È (RŽsolution gŽnŽrale situation politique et sociale, Congrs de fondation du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) de France, fŽvrier 2009)

 

Est-ce lˆ une solution europŽenne inadaptŽe ˆ lĠAmŽrique du Nord.  Au Canada, le systme de retraite par rŽpartition, cĠest-ˆ-dire financŽ par lĠimp™t, sĠappelle le Ç systme de sŽcuritŽ de la vieillesse È dit populairement la Ç pension des vieux È.  Ce systme garantit un plancher de 1170 $ par mois ˆ toutes les personnes de 65 ans et plus en comblant la diffŽrence entre le chque de pension minimum de 517$, sauf pour les plus riches, et les autres sources de revenu.  (Toutefois, il faut le demander, ce que ne font pas plusieurs personnes pauvres soit par ignorance de la loi, soit par hantise de la bureaucratie surtout pour les (demi)-analphabtes, dĠo la revendication de pro-activitŽ du Bloc quŽbŽcois.)

 

Le problme du systme fŽdŽral, on lĠaura compris, est le niveau de la prestation qui, pour une personne seule habitant une rŽgion mŽtropolitaine, est en deˆ du seuil de faible revenu de Statistique Canada.  Une revendication de gauche coule de source et est suggŽrŽe par le NPA franais : Un systme de sŽcuritŽ de la vieillesse qui garantisse Ç 75 % du meilleur salaire È ou, ˆ dŽfaut, le seuil de faible revenu de Statistique Canada.  On objectera que cĠest un programme fŽdŽral.  Raison de plus pour poser ds maintenant la nŽcessitŽ de la lutte pour lĠindŽpendance du QuŽbec en faisant campagne pour la convocation des ƒtats gŽnŽraux du QuŽbec populaire.

 

Que faire de la Caisse ?  SĠen dŽbarrasser et remettre ˆ lĠƒtat ou ˆ sa Banque ses fonds capitalisŽs Žtant donnŽ que cĠest lui assurera les pensions de retraite permettant de bien vivre (et aussi les compensations aux accidentŽs qui nĠont pas plus ˆ dŽpendre de la Bourse que les pensionnŽs).  Il ne sĠagit pas pour autant de supprimer les fonds de retraite des employeurs, dont celui des employŽs du gouvernement quŽbŽcois aussi gŽrŽ par la Caisse, qui sont indispensables tant quĠun systme adŽquat par rŽpartition nĠest pas gagnŽ et qui pourraient continuer de le bonifier.  Il sĠagit plut™t de revendiquer leur gestion par les seuls travailleuses et travailleurs sans remettre nullement en question les rŽgimes de prestations dŽterminŽes garanties par lĠemployeur. 

 

La Caisse, comme les banques et comme Desjardins qui nĠa de coopŽrative que le nomÉ et les ristournes — et comme les mal nommŽs Ç fonds de solidaritŽ È syndicaux — est partie intŽgrante de la finance capitaliste.  La crise qui a fait imploser ce systme est lĠoccasion de revendiquer la :

Ç[n]ationalision (dans le sens de socialisation) sans rachat ni indemnitŽ de tous les organismes bancaires, expropriation de leurs actionnaires, unification en un seul service public bancaire (si possible europŽen) sous le contr™le des travailleurs et de la population qui doivent pouvoir ainsi orienter les investissements en direction de la satisfaction de leurs besoins. È (RŽsolution gŽnŽrale situation politique et sociale, Congrs de fondation du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) de France, fŽvrier 2009)

 

Pour mettre sur pied cette Banque populaire du QuŽbec, lĠurgence de la lutte pour lĠindŽpendance nĠen est que dŽcuplŽe.

 

Ce serait un sujet pertinent ˆ discuter au Conseil national de QuŽbec solidaire cette fin de semaine-ci, tout comme le contenu du plan anti-crise de la direction qui nĠa jamais ŽtŽ soumis pour discussion ni ˆ un CN ni ˆ un Congrs et encore moins pour tre votŽ.  Il semblerait que ce soit le cas si lĠon en juge par le thme de ce CN : Ç De la crise Žconomique aux solutions Žcologiques : pour qui, pourquoi, comment ? È, ce que les mŽdias refltent jusquĠici dans leur compte-rendu.  Pourtant un examen de lĠordre du jour proposŽ par la direction indique bien quĠil nĠen sera normalement rien. 

 

Il y aura bien un panel Ç sur la crise Žconomique et Žcologique et des solutions solidaires È lors dĠun d”ner-confŽrence mais il nĠy a aucun point ˆ lĠordre du jour sur le sujet.  Le sujet le plus proche est la discussion sur les Ç perspectives È, ce qui signifie pour la direction les prioritŽs dĠintervention pour le travail parlementaire et extra-parlementaire dont lĠune est Ç Plan de sortie de crise Žconomique et Žcologique È mais non sur son contenu ˆ moins que les participants forcent un Žlargissement du dŽbat.  Le titre du Conseil national frise la fausse reprŽsentation et ne constitue que du tape-ˆ-lĠÏil pour les monopoles mŽdiatiques dont dŽpend QS qui nĠa jamais eu le soucis de construire son propre systme de mŽdias, comme par exemple LĠAutĠJournal pour le SPQ-libre.

 

Marc Bonhomme, 28 fŽvrier 2009