Article pour le numŽro ŽtŽ-automne 2009 du journal UnitŽ ouvrire

 

Rien ne va plus ˆ la gauche des LibŽraux

LĠurgence dĠune stratŽgie indŽpendantiste de gauche en temps de crise

 

Lors des Žlections partielles de la fin juin dans Rivire-du-Loup et dans Marguerite-Bourgeois, tant le PQ que QuŽbec solidaire se sont effondrŽs.  Suite aux dŽboires libŽraux depuis les Žlections de dŽcembre 2008 et ˆ une bonne performance pŽquiste au parlement, on attendait le PQ gagnant dans le comtŽ du Bas-St-Laurent fait comme un gant pour lui car reprŽsentatif du Ç QuŽbec profond È cĠest-ˆ-dire regroupant une Žcrasante majoritŽ quŽbŽcoise de souche, populaire et petite-bourgeoise.  Le candidat du PQ, dŽputŽ dŽmissionnaire du Bloc du mme comtŽ depuis des ŽternitŽs, y Žtait aussi connu que le candidat LibŽral, ancien maire de Rivire-du-Loup mais deux fois dŽfaits comme candidat libŽral ˆ des Žlections prŽcŽdentes et dont la rŽputation dĠintŽgritŽ venait en plus dĠtre passablement amochŽe.  Pourtant le PQ y a ŽtŽ battu par plus de dix points de pourcentage.  Pour combler la mesure, le vote pŽquiste baissait de prs de cinq points de pourcentage dans Marguerite-Bourgeois par rapport ˆ dŽcembre 2008.   

 

Quant ˆ QuŽbec solidaire, son vote marginal dans ces deux comtŽs sĠest encore plus marginalisŽ.  Par rapport aux Žlections de dŽcembre 2008 dans les mmes comtŽs, son vote relatif plongeait de 77% dans Rivire-du-Loup et de 30% dans Marguerite-Bourgeois malgrŽ la visibilitŽ accrue dĠun dŽputŽ et malgrŽ lĠabsence de lĠenjeu du vote stratŽgique.  Pour ajouter lĠinsulte ˆ lĠinjure, dans les deux cas les candidats du parti Vert faisaient mieux que ceux de QuŽbec solidaire.  Cette tendance confirme dĠailleurs la stagnation du vote relatif de QuŽbec solidaire, et la baisse du vote absolu de 15%, entre les Žlections gŽnŽrales de 2007 et de 2008.

 

 

La crise profite aux LibŽraux

 

Rien ne va plus ˆ la gauche des LibŽraux qui en sont pourtant ˆ leur troisime mandat sans compter que les crises Žconomique et Žcologique devraient bŽnŽficier au parti de lĠopposition officielle et encore plus ˆ QuŽbec solidaire qui prŽtend tre une alternative au nŽolibŽralisme.  Il est vrai que jusquĠici la crise a apparemment moins frappŽ le QuŽbec que le Canada anglais et celui-ci moins que les autres grands pays dŽveloppŽs.  CĠest quĠau QuŽbec les traditionnels secteurs du textile/vtement et des produits de la fort sont en crise depuis longtemps.  SĠy ajoutent maintenant lĠimportant secteur de lĠavionnerie tout comme celui de lĠaluminium. 

 

Ë lĠaugmentation du ch™mage sans oublier la substitution des temps partiel aux temps pleins se combinent le continuel accroissement de lĠendettement des consommateurs auquel sĠajoute maintenant celui des gouvernements.  Autant de bombes ˆ retardement qui prŽparent une nouvelle phase de la crise aprs la prŽsente et toute relative accalmie car les problmes fondamentaux de lĠinŽgalitŽ des revenus et du surendettement nĠont aucunement ŽtŽ rŽsolus.  Au contraire, ils empirent avec les congŽdiements massifs, la stagnation salariale et la fragilisation des rŽgimes privŽs de pensionsÉ et de celui de la Caisse de dŽp™ts et de placements.

 

Les LibŽraux se vantent dĠavoir anticipŽ la crise en mettant sur pied un programme de rŽparation des infrastructures et dĠimportants projets hydroŽlectriques et Žoliens pour des fins dĠexportation.  Faut-il rŽcompenser le gouvernement, libŽral ou pŽquiste, dĠavoir nŽgligŽ pendant si longtemps les viaducs croulants et les aqueducs coulants ?  Faut-il se rŽjouir que le QuŽbec redevienne un porteur dĠeau et un dŽvastateur dĠŽcosystmes et de paysages aux dŽpens de toute transformation secondaire et tertiaire de nos ressources naturelles ?  Faut-il se rŽsigner aux pitres services publics de plus en plus privatisŽs et tarifiŽs que LibŽraux fŽdŽraux et PQ avaient auparavant charcutŽs ?  Faut-il souscrire longtemps ˆ la farce plate de la prioritŽ aux transports publics et aux Žconomies dĠŽnergie alors que nos gouvernements foncent droit devant avec lĠautomobile, lĠhydro-ŽlectricitŽ et lĠŽolien privŽ ?  Faudrait-il se consoler avec les projets de villes-spectacles des maires de MontrŽal et de QuŽbec appuyŽs ˆ fond de train par les gouvernements fŽdŽral et quŽbŽcois ?

 

 

Le chien du PQ est mort

 

On a expliquŽ la mauvaise performance pŽquiste par le retour, ˆ la fin du printemps, dĠun discours souverainiste alambiquŽ.  Suite ˆ lĠabandon de la stratŽgie rŽfŽrendaire, le PQ est en effet condamnŽ ˆ tenter de ressusciter une stratŽgie souverainiste crŽdible pour mobiliser sa base militante et son Žlectorat indŽpendantiste.  Cependant, le PQ a perdu toute crŽdibilitŽ populaire pour mener le peuple quŽbŽcois vers lĠindŽpendance.  Parce que le PQ a osŽ tenir un rŽfŽrendum quasi gagnant en 1995, le peuple quŽbŽcois aurait pu lui pardonner sa propension ˆ noyer le poisson de lĠindŽpendance dans les eaux troubles de la souverainetŽ-partenariat et des questions rŽfŽrendaires tordues en mettant a sur le compte dĠune tactique Ç astucieuse È ˆ la Parizeau. 

 

Mais le peuple travailleur nĠa pas avalŽ les Žpouvantables consŽquences sociales de la stratŽgie non astucieuse et tout-ˆ-fait fŽdŽraliste du Ç dŽficit zŽro È concoctŽe avec la complicitŽ des directions syndicales au nom de la Ç concertation È.  Ce nĠest pas pour rien que les LibŽraux reviennent sur le sujet encore et encore avec toujours la mme efficacitŽ Žlectorale.  Depuis leur retour au pouvoir en 2003, les LibŽraux nĠont eu quĠˆ maintenir lĠinacceptable statuquo pŽquiste justifiant toutes les privatisations et tous les PPP.  Ils nĠont eu quĠˆ couronner ce cadeau pŽquiste en infligeant une dŽfaite cinglante en dŽcembre 2003 puis une dŽfaite stratŽgique en dŽcembre 2005 ˆ un mouvement syndical engluŽ dans une concertation rejetŽe par le gouvernement libŽral. 

 

Faut-il ajouter que la collusion de la direction de la FTQ avec lĠarchi-antisyndicale QuŽbŽcor puis lĠarchi-fŽdŽraliste Molson dans lĠaffaire de lĠachat des Canadiens, et avec la petite mafia montrŽalaise liŽe ˆ lĠadministration municipale, nĠarrange rien.  Voilˆ o mne la subordination de la solidaritŽ prolŽtarienne aux impŽratifs du capital financier via les fonds de capital de risque appelŽs en novlangue, Ç fonds de solidaritŽ È grassement subventionnŽs par le gouvernement quŽbŽcois mort de rire dĠavoir ainsi pris au pige le mouvement syndical.  Et dire que la CSN sĠest embarquŽe sur le mme chemin.  Si elle ne dŽbarque pas elle se retrouvera dans le mme cloaque.  Si cĠest dans cet esprit que se prŽpare le prochain Front commun, tout est perdu dĠavance ˆ moins que la base syndicale fasse le mŽnage.   

 

Le PQ a dŽfinitivement trahi la confiance du peuple quŽbŽcois.  NĠa-t-il pas dĠailleurs trompŽ le peuple quŽbŽcois ds sa fondation en dŽvoyant vers lĠŽlectoralisme le grand mouvement de libŽration nationale de la fin des annŽes 60 qui avait culminŽ dans le grand Front commun de 1972 ?  La rŽgression salariale de 20% imposŽe au secteur public en 1982 par le PQ nĠa-t-elle pas signifiŽe le rejet de la signification historique de la phase finale, prolŽtarienne et populaire, de la RŽvolution tranquille et la capitulation du PQ au nŽolibŽralisme naissant ?  Le PQ nĠest-il pas, historiquement parlant, lĠaile nationaliste du parti LibŽral qui sĠest imposŽe au mouvement de libŽration du peuple quŽbŽcois pour empcher quĠŽmerge une direction politique issue de ce mouvement mme ?      

 

Ne doit-on pas se rŽjouir de cet Žchec qui est celui dĠune tromperie pour ne pas dire un reniement de lĠhŽritage des Patriotes de 1837-38 ?  Pour combler le vide politique que crŽe le PQ sur sa gauche, Žmerge un nouveau parti, QuŽbec solidaire.  Ce nĠest pas la premire fois que le peuple quŽbŽcois tente de construire une alternative politique issue de ses propres rangs.  Ce fut le cas au dŽbut du XX sicle avec le parti Ouvrier, aprs la Deuxime guerre avec la branche quŽbŽcoise du PCC et celle du CCF, toutes ces tentatives ayant culminŽ par lĠŽlection dĠun dŽputŽ dans chaque cas.  Puis vint la tentative du parti Socialiste du QuŽbec (PSQ) dans les annŽes 60 qui se fit damer le pion par le RIN qui lui-mme servit de marchepied au PQ. 

 

Ë la lumire de lĠhumble histoire de la gauche politique quŽbŽcoise et de lĠactuelle conjoncture de crise globale du capitalisme, je t‰cherai dĠexaminer dans un prochain article si QuŽbec solidaire rŽunit les conditions pour rŽaliser cette percŽe historique que serait un parti prolŽtarien et populaire de masse pour un QuŽbec indŽpendant, Žcologique et de plein emploi.  Je vous invite, sans plus tarder, ˆ contribuer au dŽbat pour une stratŽgie indŽpendantiste de gauche en temps de crise.

 

Marc Bonhomme,

Militant anticapitaliste, indŽpendantiste et internationaliste de QuŽbec solidaire

19 juillet 2009