Le
congrs de Qubec solidaire de juin 2009
De
quelle dmocratie parle-t-on ?
par Marc Bonhomme
Les
pratiques dmocratiques de Qubec solidaire sont apparemment fort
diversifies. La direction
nationale a organis un long processus dĠlaboration du programme de 15 mois,
seulement pour les questions nationale et dmocratique le reste devant venir
par la suite, o abondent les discussions de toute sorte sur la base de guides
et de synthses mais sans jamais de vote formel sauf deux mois du congrs de
novembre 2009 qui est cens prendre une dcision finale, ce qui nĠest pas tout
fait exact comme on le verra par la suite.
En
parallle, et en complte contradiction, la direction impose un manifeste anticrise
sans aucune discussion. SĠajoute
un processus parallle dĠadoption de statuts par tranches sur la base de
travaux dĠun comit entirement nomm par la direction nationale, et non pas par
le congrs ni par le conseil national, les instances de base nĠayant eu quĠ
peine plus dĠun mois pour prendre connaissance de la premire tranche, la
discuter et voter sans pouvoir obtenir aucune vue dĠensemble pour la suite des
choses. Quel fut le noyau dur de
cette premire tranche de changements aux statuts ? La centralisation des pouvoirs.
Quelle
est la signification politique de ce fouillis contradictoire ?
TABLE DES MATIéRES |
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Le
commencement de la fin de la direction collgiale |
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2 |
Dmocratie
participative ou manipulation verticaliste ? |
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3 |
Les
tats gnraux, une stratgie non-lectoraliste de la rue |
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4 |
Ë
quand les psychodrames la PQ ? |
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5 |
Le
consensus, la maladie snile de la gauche qubcoise |
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6 |
La
capitulation au social-libralisme des collectifs dit anticapitalistes |
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8 |
Un
ple indpendantiste anticapitaliste |
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9 |
31 aot 2009
Le commencement de la fin de la
direction collgiale
Le congrs de juin de Qubec solidaire confirmait la cristallisation du pouvoir aux mains dĠune seule personne, la Prsidente-Porte-parole-non-parlementaire-Permanente-Ç Coordonnatrice de lĠlaboration et de la mise en Ïuvre de la stratgie politique du parti È, la PPP-C. Quelle diffrence y a-t-il entre la PPP-C et un Ç chef È dĠun parti traditionnel ? Ce dernier nĠest pas prsident du parti. Cette cristallisation des pouvoirs fut lĠenjeu majeur du congrs au point que lĠopposition faillit lĠemporter dans les ateliers. Il fallut que la direction nationale, par le moyen de son comit de synthse, renonce supprimer les postes de responsables la formation et la mobilisation, postes incontournables pour un parti qui se veut de la rueÉ ou en avoir lĠair, pour sauver ce qui ses yeux tait lĠessentiel, lĠarchi-concentration des pouvoirs au sommet de la pyramide.
Cette concentration de pouvoir viserait compenser le manque de visibilit mdiatique de la porte-parole non lue. Serait-ce que le porte-parole parlementaire pourrait porter ombrage la PPP-C ? De rapporter le secrtaire-gnral et dirigeant qubcois du collectif Socialisme international dans son compte rendu public la gauche anticapitaliste anglo-canadienne (Socialist Worker, juillet 2009), Ç Éles statuts stipulent que dornavant le caucus devra faire rapport chaque conseil national ou congrs (ce qui arrive deux ou trois fois par anne) et que ces assembles dtermineront lĠorientation gnrale du travail parlementaire. È Qui dit mieux que ce contrle dmocratique digne dĠun parti de la rueÉ sauf quand on ralise que ce voile pudique ne sert que de paravent pour en rajouter aux pouvoirs exorbitants de la PPP-C dont le conseil national pourra difficilement renverser lĠessentiel de son point de vue sans menacer sa crdibilit.
videmment, le secrtaire-gnral ne dit mot dans son compte-rendu public de la cristallisation de pouvoirs de la PPP-C, ce qui donne une tout autre couleur lĠapparente reddition de comptes de lĠaile parlementaire. Car la signification dĠune dcision ne peut tre comprise hors contexte. Il faut juger de la pertinence de la partie en regard du tout. Chef charismatique (ou PPP-C) et dmocratie sont incompatibles : chaque fois que son autorit est mis en cause, il y a menace dĠune crise existentielle du parti. Qui voudrait initier un tel processus ? (Remarquons que dans un parti lectoraliste il en est de mme en ce qui concerne les rapports entre le parti et le caucus des dputs.)
Ë ce stade, la dmocratie a tendance se transformer en manipulation, ce quĠillustre le droulement du processus du programme. On nĠen est pas encore aux manipulations de la direction du NPD fdral son dernier congrs dĠaot 2009 avec son culte du chef, son comit des priorits qui limine systmatiquement les nombreuses propositions de gauche venant de la base et mme les reconsidrations antirglementaires de vote gagnant dplaisant la direction (voir le compte-rendu de Barry Weisleider, animateur du caucus socialiste du NPD, dans Socialist Action). Cependant, le comit permanent de synthse de Qubec solidaire et les synthses rcupratrices de la commission politique ouvrent la voie.
Dmocratie participative ou manipulation
verticaliste ?
Le congrs, aprs discussions en atelier, a pris des votes indicatifs sur une srie de rapports-synthses intituls respectivement Ç Souverainet et stratgie pour raliser un Qubec dmocratique, pluraliste et souverain È, Ç Comment concevoir lĠintgration des personnes issues de lĠimmigration È et Ç Quelles institutions politiques voulons-nous construire pour le Qubec ? È. Cependant, le Congrs nĠa ni discut, ni ratifi le Ç Manifeste du premier mai È rendu public cette date, imprim des milliers dĠexemplaires et dont le contenu nĠavait jamais au pralable t communiqu et encore moins discut par aucune instance de base ou nationale quelle quĠelle soitÉ sauf la direction. Mme la Commission politique nĠa pas particip sa rdaction.
Que signifie cette apparence de dmocratie participative qui cache, si mal, un dni dmocratique qui crve les yeux ? Que la politique rellement existante, cĠest--dire celle qui compte, concernant le plan anticrise relve strictement de la haute direction. Il serait en effet bien trop dangereux de demander lĠavis de la base qui risquerait de lui donner une tournure quelque peu anticapitaliste. Mieux vaut donc faire un tonitruant manifeste donnant un mauvais habillage anticapitaliste un programme concret platement social-libral proposant un capitalisme qubcois vert et social et qui peine attnuer les effets de la crise sur le peuple qubcois, encore moins la contrer (voir mon essai Ç Le Manifeste du premier mai de Qubec solidaire, Discours anticapitaliste, plan anti-crise social-libral È).
Mais, objectera-t-on, nĠest-ce pas la base du parti qui est en train de dterminer son orientation stratgique par un admirable exercice de dmocratie participative ? NĠest-ce pas plutt la direction nationale qui dploie un interminable processus de manipulation/diversion pour amener la base du parti l o elle le veut ?
Par erreur, la direction nationale a distribu au congrs le plan de cheminement de son processus pour la seule partie concernant les questions nationales et dmocratique, commenant en septembre 2008 pour sĠachever en janvier 2010É et non pas au congrs de novembre 2009 comme tout le monde lĠavait compris jusquĠici. En effet, on y apprend que le Ç document final È sera rdig par la direction nationale soutenue par la commission politique et le comit de synthse. Faut-il rappeler la direction nationale que le congrs est lĠinstance suprme du parti et quĠil lui revient en toute souverainet de dcider comment achever une tche quĠil ne pourrait complter par manque de tempsÉ et que sauf de trs rares exceptions cĠest le conseil national qui devrait complter les tches inacheves du congrs. (On remarque dĠailleurs que la direction nationale a pris lĠhabitude de se considrer comme en pratique lĠinstance suprme du parti : exemple non banal, la dernire plate-forme lectorale.)
Cette entorse aux statuts nĠest cependant que la pointe de lĠiceberg de la manipulation en cours. Avant que les instances de base ne puissent procder au vote, durant lĠautomne 2009, il y aura eu une srie de trois discussions larges (assembles publiques/Ç cercles citoyens È, ateliers du congrs de juin 2009, camp de formation) sans vote formel donnant lieu autant de guides de discussion et de synthses dont celle surprise structurant les discussions lors des ateliers du congrs aboutissant un vote indicatif. Cette synthse non prvue disponible la dernire minute avait comme effet de gommer les textes des Ç cercles citoyens È qui devaient servir directement comme base de discussion et, avait-on compris, dĠobjets du vote indicatif (tait-ce bien difficile de numroter ou de titrer convenablement ces textes et de demander aux participantes de donner leur prfrences dĠune manire ou dĠune autre ?).
CĠest ce quĠon appelle labourer et re-labourer le terrain pour orienter le vote. On a bien vu dans quel sens lĠatelier Ç Souverainet et stratgie pour raliser un Qubec dmocratique, pluraliste et souverain È du congrs. Il sĠagissait pour le rapporteur-synthtiseur, et dirigeant du collectif Gauche socialiste, de faire une synthse donnant un net avantage la stratgie lectoraliste bien connue de la direction nationale : lection dĠun gouvernement Qubec solidaire, convocation dĠune assemble constituante suivie dĠun rfrendum. Pour faire bonne mesure, le rapport synthse fabrique des dbats oiseux sur le mandat de lĠassemble constituante et le timing et la porte du processus consultatif sans compter celui sur les modalits de lĠintgration des nations aborignes cette stratgie comme si elles faisaient partie de la nation qubcoise.
NĠest-ce pas plutt le dveloppement de la lutte sociale, pour ne pas dire de la lutte de classe, qui sera le processus consultatif de facto. La tche de lĠheure nĠest-elle pas de contribuer dvelopper ds maintenant une stratgie de lutte sociale qui tranchera non seulement propos du mandat et de la porte de lĠassemble constituante mais aussi qui rendra possible le rapport de forces permettant de la convoquer et dĠlire un gouvernement Qubec solidaire pour ce faire ?
Les tats gnraux, une stratgie
non-lectoraliste de la rue
Dans cette synthse rcupratrice, la stratgie anti-lectoraliste dĠune campagne publique pour la convocation dĠtats gnraux pour un Qubec indpendant et cologiste fut relgue un vÏu pieux tronqu et dform. Pourtant cette proposition stratgique sĠinsrait dans la conjoncture de la prochaine priode qui annonce une lutte du front commun de tout le secteur public dans un contexte de crise conomique et cologique affectant gravement aussi le secteur priv par le biais des congdiements et fermetures sans compter une stagnation salariale, une crise des pensions et des coupures/privatisations de services publics frappant tout le monde.
Pour masquer la manÏuvre empchant de voter, mme indicativement, pour cette proposition soutenue par une quinzaine de personnes, on y allait dĠune dfinition tendance anticapitaliste de la souverainet dont on sait dĠavance quĠelle ne sera pas lĠobjet dĠengagement programmatique du moins cette premire tape qui ne concerne pas — oh heureux charcutage ! — les volets conomique et cologique. On reconnat l le procd employ pour le manifeste.
Cerise sur le gteau, la synthse rcupratrice de la position majoritaire tait oppose des positions alternatives plus modres et/ou fdralistes pour lui donner un air gauche radicale. Par prudence, car il est toujours possible dans lĠactuelle conjoncture quĠun dbat o participe largement la base drape vers lĠanticapitalisme, le congrs se tenait dans la banlieue de Sherbrooke rendant difficile une participation des membres du parti aux ateliers sur le programme malgr lĠinvitation officielle y participer. (DĠailleurs, le nombre de dlgues tait loin de faire le plein.) La direction nationale apprend lĠart de la manÏuvre bureaucratique allant de positions imposes par le haut sans discussion (le manifeste) jusquĠ lĠorgie interminable de discussions manipules (le programme) en passant par les discussions la va-vite et parcellaires sans possibilit de vision globale et approfondie (les statuts).
Faut-il sĠtonner que la militante qui veut participer ne sache plus o donner de la tte ? Et ce sera pire cet automne quand il faudra la fois finaliser la premire tape du programme, celle sur les questions nationale et dmocratique, partir du nouveau Ç cahier de perspective È publi au dbut septembre et initier la seconde, celle sur lĠconomie, partir du guide publi au mme moment. CĠest comme si on voulait crer une diversion dans la diversion — la premire diversion ayant t, comme on lĠa vu, la premire tape elle-mme du programme par rapport la publication du Ç manifeste du premier mai È et la rvision des statuts — pour ne pas que les instances de base du parti ne prennent le temps de faire les dbats de fond aux moments cruciaux des votes formelles.
Allez alors proposer cette malheureuse militante dĠinitier ou de dvelopper des campagnes politiques qui sont pourtant lĠapanage essentiel dĠun parti de la rue. Son panier est plein. Pour dĠailleurs loigner tout jamais, pense-t-on, de son esprit la question de la lutte contre la crise, tant ct programme dĠurgence que du ct plan dĠaction, aucune de la demi-douzaine des sessions sur lĠconomie au camp de formation ne traitera de la crise conomique que ce soit sous lĠangle de sa description, de son analyse et videmment dĠun plan pour la contrer. Pas question donc de donner lĠoccasion de revenir sur le contenu du manifeste du premier mai. Cependant, il sera sans doute difficile de ne pas indirectement aborder le sujet surtout si les participantes insistent.
Ë quand les psychodrames la PQ ?
Ë force de vouloir contrler le message, la direction nationale tient le parti loin du terrain rel et motivant de la lutte contre la crise. Ce faisant, elle compromet mme la performance lectorale proprement dite du parti. Lors des lections partielles de la fin juin 2009 dans Rivire-du-Loup et dans Marguerite-Bourgeois, le vote pour Qubec solidaire a plong. Son vote dj marginal dans ces deux comts sĠest encore plus marginalis. Par rapport aux lections de dcembre 2008 dans les mmes comts, son vote relatif dgringolait de 77% dans Rivire-du-Loup et de 30% dans Marguerite-Bourgeois malgr la visibilit accrue dĠun dput, malgr lĠabsence de lĠenjeu du vote stratgique, malgr lĠactualit de la crise. (On verra si lĠlection partielle du 21 septembre rtablira au moins la situation de dcembre 2008.)
Pour combler la mesure, dans les deux cas les candidats du parti Vert faisaient mieux que ceux de Qubec solidaire. Cette tendance confirme dĠailleurs la stagnation du vote relatif de Qubec solidaire, et la baisse du vote absolu de 15%, entre les lections gnrales de 2007 et celles de 2008. Il a fallu la concentration du travail lectoral dans le Ç croissant fertile È du sud centre-est francophone de lĠle de Montral et dans certains centres-villes, et lĠhyper-concentration dans les comts de Mercier et de Gouin, pour masquer cette stagnation par lĠlection dĠun dput.
Le culte du chef nĠa pas encore donn lieu des psychodrames la PQ du genre du Ç renrendum È de Ren Lvesque, du miroir honteux de Lucien Bouchard ou de la dmission rate de Bernard Landry, paroxysmes de la contradiction entre lĠindpendantisme inhrent des militants et le souverainisme-(votre expression prfre) de la direction pquiste malgr un nolibralisme plus ou moins interventionniste partag par tous. (En oubliant Pierre-Marc Johnson et Andr Boisclair, qui nĠont mme pas essay de rconcilier la base militante avec le fdralisme de la bourgeoisie, dĠo leur jection rapide, ne reste que Jacques Parizeau qui lĠespace dĠun rfrendum a presque sacrifi la bourgeoisie sur lĠautel de lĠindpendanceÉ nolibrale, dĠo sa popularit auprs des militants laquelle ne se dment pas.) AujourdĠhui ce parti en dclin — les scores des dernires partielles lĠont encore dmontr —, qui pourrait quand mme reconqurir le pouvoir parlementaire grce un rejet des Libraux dans le cadre de lĠalternance, semble avoir enfin trouv la srnitÉ du cimetire.
Se peut-il que SPQ-libre, cette aile gauche syndicaliste du PQ, en publiant dans son journal officieux LĠautĠjournal un article vitriolique anti-PQ (PQ-PLQ-ADQ : Du pareil au mme par Lo-Paul Lauzon) prpare le terrain pour quitter le navire en perdition ? En tout cas, cet article enfonce le clou comme quoi le PQ est rsolument de droite mme si bizarrement il passe sous silence sa politique du dficit zro et ses consquences dramatiques sur les services publics. Ce pourrait tre le commencement de la fin de lĠhgmonie pquiste-bloquiste sur le mouvement syndical. Ce serait encore mieux si SPQ-libre ralliait Qubec solidaire, ce pour quoi la direction du parti doit prparer le terrain par une politique rsolument anticrise et carrment indpendantiste. Quant SPQ-libre, il se rend sans doute compte que sa marginalit durable dans un parti en fin de course ne saurait tre sauve par un tonnant flirt avec un obamisme qui se dcompose vue dĠÏil tant il tait au dpart sans substance.
Il y a bien sr pire comme points de rfrence tel lĠADQ, appendice populiste de droite dĠun seul homme, qui dsormais sans tte court travers les campagnes. Mais Option citoyenne fonde par lĠactuelle PPP-C nĠtait-elle pas une version de gauche de ce phnomne ? Quant aux Libraux, depuis plus de cent ans le parti normal de la bourgeoisie rgnante quelques clipses prt quand il nĠarrivait plus se connecter au nationalisme qubcois (sous Lapalme dans les annes fin 40-dbut 50 et sous Ryan dans les annes fin 70-dbut 80), il ne demande son chef que de gagner les lections sans tat dĠme et en autant quĠil prserve le statuquo social tout en lĠadaptant la dynamique capitaliste. Autrement, le parti change de chef avec ou sans guerre intestine. Ici prime la pure efficacit lectoraliste sans parure idologique ni ambition programmatique.
Le consensus, la maladie snile de la
gauche qubcoise
Pour ne pas faire sienne une orientation indpendantiste anticapitaliste, seule rponse de gauche la crise globale du capitalisme, Qubec solidaire sĠengoncera-t-il davantage dans le culte du chef vers la nbuleuse des psychodrames ou pire encore ? JusquĠici la base du parti sĠest contente de rsistance passive et disperse la drive sociale-librale, lectoraliste et centralisatrice promue par la direction nationale. De lĠaltermondialisme qui a marqu la fondation de Qubec solidaire, la direction nationale a russi, grce la dfaite stratgique du mouvement syndical quelques mois avant sa fondation puis celles subsquentes des mouvements tudiant, environnemental et communautaire, en imposer la version sociale-librale : par une victoire lectorale, et seulement par une victoire lectorale, convaincre/forcer le capital qubcois adopter un comportement cologique et social sans remettre en cause ni le libre-change ni les alliances militaires.
La russite jusquĠici de la direction
nationale doit beaucoup lĠidologie du consensus, forcment autour des
positions de la direction, particulirement porte par la prsidente
dmissionnaire, ce sur quoi elle a lourdement insist jusquĠ dans son discours
dĠadieu au congrs. Sous son
influence, la direction nationale est alle jusquĠ une tentative dĠexclusion
pour dissidence puis celle de lĠinstauration dĠune structure de dlation —
il aurait t possible nĠimporte quel membre dĠen dnoncer nĠimporte quel autre
sous le seul prtexte de Ç nuisance au parti È. Heureusement,
le flair dmocratique de la base du parti a fait chouer ces tentatives
autoritaires coules dans la suave idologie du consensus. Inutile dĠajouter que la venue du
SPQ-libre Qubec solidaire avec son orientation indpendantiste et ses
proccupations conomiques et syndicalistes ferait la vie dure au consensus
actuel malgr la culture consensuel propre au mouvement syndical.
La domination de lĠidologie du consensus a, dans Qubec solidaire, deux sources. Elle marque le mouvement altermondialiste o elle garantit un rassemblement tous azimuts en sacrifiant le dbat stratgique pour la conqute du pouvoir au bnfice des complmentaires frres ennemis que sont le mouvementisme et le parlementarisme lesquels occupent le terrain par dfaut. SĠy ajoute lĠoppression nationale qubcoise dans le contexte canadien-tatsunien-qubcois dĠune gauche anticapitaliste extrmement faible. En dcoule une forte cohsion nationaliste partenariat/concertation face lĠennemi Ç extrieur È, le capitalisme anglo-fdral. LĠindpendance de classe en vient tre perue comme un empcheur de tourner en rond.
Faisant le bilan de la victoire du mouvement communautaire de Pointe-St-Charles de juin 2005 mars 2006 contre le dmnagement du Casino dans le bassin Peel, Marcel Svigny, militant anarchiste et ancien conseiller municipal de ce quartier montralais, fait la rflexion suivante :
Ç É ces militantEs partageaient en commun lĠide que la lutte devait tre mene travers la constitution dĠun rapport de force bas sur la mobilisation populaire. LĠacceptation que le conflit dĠides reprsente le moyen le plus stimulant pour forcer le dbat dmocratique sur un enjeu de socit, tout en faisant ressortir les vritables intrts des partis en cause, tait essentielle. Cette attitude tait donc une position claire de rsistance. Dans le contexte du Qubec dĠaujourdĠhui, o la notion mme de conflit dans lĠespace dmocratique est totalement discrdite au profit des concepts de concertation et de partenariat, une telle position et volont de rsistance et de lutte reste minoritaire. È (Svigny, Marcel ; Et nous serions paresseux ? ; cosocit, Montral, 2009, page 55)
Faudrait-il sĠattendre ce que la pratique du consensus avec la bourgeoisie qubcoise et ses trois partis nolibraux donne lieu Ç lĠacceptation du conflit dĠides È au sein des organisations et partis populaires proprement dit ? De lĠavis de leurs directions, il faut au contraire faire taire les opposants Ç lutte de classe È en employant toutes les mthodes bureaucratiques qui tuent le dbat.
Quelque soit leur fragilit, leur instabilit et leur modestie, le mouvement syndical tasunien a ses quelques oppositions syndicales organises et publiques et le mouvement syndical canadien ses caucus de gauche ad hoc lors des congrs. LĠidologie du consensus est ce point fort au Qubec que le mouvement syndical nĠa ni lĠun ni lĠautre malgr lĠexistence maintenant rvolue de regroupements semi-oppositionnels de militants qui avaient toujours refus de mener la lutte contre le concertationnisme des directions syndicales. Mme le NPD canadien et ontarien a son caucus socialiste qui critique ouvertement la direction de ce parti sans compter les organisations anticapitalistes hors du NPD. Rien de tel chez Qubec solidaire.
La capitulation au social-libralisme des
collectifs dit anticapitalistes
LĠidologie du consensus est ce point omniprsente quĠelle a happ jusquĠaux collectifs anticapitalistes membres de Qubec solidaire. CĠest cette dmission qui explique la faible rsistance de la base la poigne de fer, dans un gant de velours, de la direction nationale de Qubec solidaire. Sans ple oppositionnel capable de rassembler les indpendantistes anticapitalistes, la direction nationale, faisant dĠabord consensus en son sein, arrive sĠimposer au conseil national et au congrs quitte sĠauto-amender sur des points secondaires quand elle sent la soupe trop chaude. Il arrive, cependant, que la direction nationale doive reculer armes et bagages comme on lĠa vu propos du contrle disciplinaire mais aussi, par exemple, sur les questions de la nationalisation de lĠindustrie olienne et du retrait des troupes de lĠAfghanistan.
Contrairement au NPD, un tournant anticapitaliste de Qubec solidaire reste encore possible. Il y a des diffrences essentielles entre le NPD et Qubec solidaire. Le NPD dont les ailes provinciales en Saskatchewan, en Colombie britannique, au Manitoba et mme en Ontario et maintenant en Nouvelle-cosse ont depuis longtemps dmontr leur capacit de bons gestionnaires du capitalisme, providentialiste ou nolibral. Par contre, au sein de la base de Qubec solidaire, la fronde antilibrale et la volont de dmocratie participative restent fortes mme si elles ont un caractre plus idologique que politique. Si lĠorientation sociale-dmocrate, devenue sociale-librale, du NPD est historiquement cristallise, que ce parti sĠest depuis longtemps transform en machine lectorale soumis en dernire instance aux intrts de son caucus prsid par son chef, comme lĠpisode de la loi dite de la clart lĠa tristement dmontr, rien nĠest encore jou au sein de Qubec solidaire. Le test viendra peut-tre avec la prochaine monte de la riposte sociale, possiblement — soyons optimistes — avant ou pendant les prochaines lections gnrales.
Ë force dĠattendre aprs Godot, la gauche anticapitaliste qubcoise finira par se retrouver dans la position schizophrnique de la gauche anticapitaliste canadienne. Ou bien faire partie dĠun NPD irrformable au point que le nouveau premier ministre de la Nouvelle-cosse se prsente comme un Ç conservateur progressiste È et que le premier ministre dmissionnaire du Manitoba a t nomm ambassadeur Washington, avec la bndiction du chef du NPD fdral, par le gouvernement Conservateur. SĠy retrouve, toutefois, la grande partie de la gauche politique que lĠon peut recruter ou influencer par un caucus socialisteÉ quitte se rsigner ne remporter que de sporadiques victoires tactiques ou dĠempcher le pireÉ tout en servant de caution de gauche la direction.
Ou bien demeurer un groupe de propagande et dĠaction marginale faute de conditions runies, parat-il, pour fonder un petit et pluraliste parti anticapitaliste de masse. La crise qui frappe trs durement lĠOntario a donn lieu de dures grves dfensives, tel celles des employes municipaux de Toronto et de Windsor et celle en cours dĠINCO-Valle Sudbury, qui nĠont pas t sans rsultats conomiques positifs et surtout qui ont commenc rveiller la solidarit syndicale et populaire. Le temps nĠest-il pas venu de donner un visage politique cette solidarit renaissante tout en y contribuant ? Le principal goulot dĠtranglement pour y arriver nĠest-il pas dĠabord interne la gauche politique canadienne soit dĠune part le sectarisme de lĠauto-construction groupusculaire, sorte de politique pure coupe de la ralit sociale, et dĠautre part le refus intellectualiste de se salir les mains dans la politique relle, sorte de mouvementisme social ngatif ?
Au lieu de profiter de cette priode transitoire qui ne peut durer fort longtemps, les collectifs idologiquement anticapitalistes de Qubec solidaire se sont plutt transforms en sous-traitants organisationnels et politiques de la direction nationale jusquĠ y intgrer totalement et partiellement leurs principaux dirigeants au point de plonger dans la confusion et de dmobiliser leur propre base. Cette dmission ne saurait tre compense par un discours du dimanche, sans aucun lien avec les plateformes lectorales et la pratique de Qubec solidaire, que ce soit propos de lĠcosocialisme, du socialisme du XXIi sicle ou de lĠanticapitalisme franais. Elle ne saurait non plus tre compense par un fourretout internet pro-direction de Qubec solidaire dĠaccs trs slectionn et sans possibilit de dbat rel, lĠexception de lĠoccasionnel texte critique qui sĠarrte mi-chemin pour se ddouaner auprs de la gauche anticapitaliste, particulirement anglo-canadienne et franaise.
Gauche socialiste a compltement nglig de faire une campagne de propagande sur le programme anticrise, les pratiques de parti de la rue et les statuts militants du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) franais auquel il est li par lĠintermdiaire de la Quatrime internationale. Une telle campagne aurait invitablement rvl le social-libralisme et lĠlectoralisme de la direction de Qubec solidaire. Pas tonnant que lĠon voit peu de leurs militants dans les grandes manifestations nationales. Quant Socialisme international, autre collectif trotskyste, il a mme renonc toute propagande et agitation sur ses propres bases alors que cette tendance internationale est pourtant connue pour se construire sur la base de la diffusion de son journal, par exemple au Canada anglais o il est le principal groupe anticapitaliste.
Faut-il rappeler ces collectifs que le marxisme dont ils se rclament tous est dĠabord une mthode critique et que celle-ci ne peut laisser dans lĠombre une partie Ç gnante È de la ralit telle lĠorientation de la direction de Qubec solidaire. On ne saurait compenser cet opportunisme par une pdagogie magistrale dans lĠombre protecteur de la direction nationale. La pdagogie premire dĠun parti politique est le Ç conflit dĠides È ouvert et public, pour ne pas dire la lutte des tendances, et sans crainte de sanctions. De cette lutte nat la mobilisation dans lĠaction commune. La pense unique, au contraire, tue lĠunit dĠaction en dmobilisant.
Un ple indpendantiste anticapitaliste
Il sĠagit dĠorganiser un ple anticapitaliste et indpendantiste qui se propose comme une alternative lĠactuelle direction nationale.
á Ë lĠorientation sociale-librale et Ç souverainiste populaire È de la direction nationale ce ple opposerait lĠindpendantisme anticapitaliste dont les premiers gestes seraient lĠexpropriation des banques et autres zinzins, lĠinterdiction des congdiements, la semaine de 35 heures sans baisse de salaire, le salaire minimum entre 15.00 $ et 20.00 $ lĠheure et un programme immdiat dĠinvestissements cologiques de 50 100 milliards $ avec rforme fiscale lĠavenant.
á Ë la stratgie lectoraliste lections-constituante-rfrendum il opposerait la stratgie de la rue dĠune immdiate campagne politique pour des tats gnraux pour un Qubec indpendant, cologique, galitaire et dmocratique.
á Ë la centralisation verticaliste et manipulatrice et la tactique du charcutage des dbats il opposerait la dmocratie de bas en haut (Ç mandar es obedecer È : commander, cĠest obir).
á Ë un parti organis en fonction des lections, sur la base de la circonscription lectorale, il opposerait un parti organis en priorit en fonction de la lutte sociale, sur la base des secteurs dĠintervention.
á Ë lĠactuelle direction, il opposerait une quipe alternative en proportion de ses forces.
Une telle orientation indpendantiste-anticapitaliste a-t-elle une chance de lĠemporter ? Le dploiement et lĠapprofondissement de la crise en cre les conditions objectives condition dĠy adjoindre les conditions subjectives, soit un dveloppement qualitatif de la lutte sociale qui est en ce moment dans un creux profond malgr de prometteuses exceptions comme la grve des professeurs de lĠUQËM. Il est assez normal que le dbut dĠune longue et profonde crise, dĠautant plus que les conomistes et les mdias bourgeois persistent la nier, cause dĠabord repli et dsarroi, surtout aprs lĠamre capitulation des syndicats du secteur public en dcembre 2005 due leur stratgie de la concertation. Les leons de la grande crise/dpression des annes 30 nous apprennent que la stabilisation de la crise ou mme une lgre et temporaire reprise cre les conditions dĠun rveil de la riposte sociale.
Le peuple travailleur mdite que la bourgeoisie mondiale et ses partis politiques nĠont pas hsiter lui ponctionner des milliers de milliards de dollars pour sauver la finance alors quĠen comparaison ils ne dpensent que des peccadilles contre le chmage sans cesse croissant, les salaires et pensions stagnants ou la baisse, la dtrioration-privatisation des services publics et, last but not least, pour contrer la crise cologique. Les militantes de Qubec solidaire mditent que sa direction nationale, comme premire mesure anticrise, propose dĠutiliser les pargnes du peuple travailleur pour sauver la Caisse de dpt et de placement de Ç Qubec Inc. È — sauver les pensions par la spculation ! — et de dpenser un misrable milliard $ supplmentaire en deux ans pour contrer la crise cologique. En prime, sur proposition du PQ, le dput solitaire de Qubec solidaire sĠest joint un vote unanime de flicitation de lĠAssemble nationale Ç nos troupes È en Afghanistan sous le prtexte fallacieux que seul lĠaspect civil tait concern, alors que son programme en exige le retrait immdiat.
Rien, bien sr, ne se fait tout seul sans le travail acharn des militantes. Qubec solidaire a contribuer au renouveau de la riposte en proposant des tats gnraux qui pourraient avoir le mme effet que ceux de 1967 qui ont ouvert la grande mobilisation qui a suivi jusquĠen 1975. Ne proposer aucune stratgie dĠici une ventuelle lection dĠun gouvernement Qubec solidaire est une dmission lectoraliste. Avec un dput et une couverture mdiatique non ngligeable, Qubec solidaire a la crdibilit ncessaire pour aller de lĠavant. Tel serait la tche dĠun ple anticapitaliste-indpendantiste sĠil existait. Tel serait son point dĠappui pour conqurir la majorit du parti face lĠactuelle direction sociale-librale au fur et mesure du dveloppement de la lutte de classes.
La clef pour un virement 180 degrs de Qubec solidaire, cĠest la volont dĠaffronter le capital — fdraliste dans son crasante majorit y compris francophone et 100% dans ses hauteurs monopolistes — dans la rue en vue de lĠliminer, et non pas de le sauver en le ramnageant ; cĠest la volont de contribuer rassembler le peuple travailleur pour prparer lĠaffrontement et non pas viser le cul-de-sac dĠune majorit parlementaire provinciale ; cĠest la volont dĠimmdiatement rendre visible une alternative anticapitaliste indpendantiste pour garantir sa capacit de rassembler largement quand la haine contre les banques fdralistes et leurs politiciens serviles en viendra sĠexprimer et non pas sĠagglutiner au centre-gauche pour recevoir la bndiction des faiseurs dĠopinion des monopoles mdiatiques et autres bien-pensants.