Le Ç cahier de synthse È de la direction de QuŽbec solidaire

Un pas en avant, deux pas en arrire

 

La direction nationale de QuŽbec solidaire a publiŽ au dŽbut septembre son Ç cahier de synthse È (CS) sur les aspects dŽmocratiques et nationaux du programme en vue du congrs de la fin novembre et pour fin d'amendements/contre-propositions dans les instances statutaires.  Que l'on soit membre ou non de QuŽbec solidaire, cette dŽmarche programmatique du seul parti de gauche crŽdible du QuŽbec est de la plus haute importance pour tous ceux et celles qui misent sur un tournant ˆ gauche de la sociŽtŽ quŽbŽcoise.  Malheureusement, la forme de ce cahier mlent dŽfinitions, analyses, justifications, orientations stratŽgiques et engagements programmatiques proprement dits sans compter que ces derniers sont en partie flous ou ambigus. 

 

Je me propose ici de faire la seule analyse des orientations stratŽgiques pour en dŽgager des propositions alternatives.  Je compte revenir plus tard sur les engagements programmatiques proprement dit.  

 

 

Remarque prŽliminaire : une synthse fourre-tout qui efface les oppositions

 

Ce cahier prŽtendument de synthse Ç ne prŽsente pas toutefois lĠensemble des propositions qui se sont manifestŽes dans les dŽbats jusquĠici [mais plut™t] prŽsente le point de vue de la Commission politique È dĠavouer dans sa lettre dĠintroduction le responsable ˆ lĠorientation et ˆ ce titre coordonnateur de la Commission politique.  Pourtant nĠimporte quel dŽmocrate qui rend compte dĠun ensemble hŽtŽroclite de points de vue sait quĠun cahier dit de synthse prŽsente dĠune part les points qui font consensus et dĠautre part ceux qui sĠopposent ou diffrent en faisant clairement ressortir ces diffŽrences et oppositions.  DŽmocratiquement parlant, il est tout ˆ fait inacceptable de gommer les points de vue ne faisant pas lĠaffaire de la Commission politique. 

 

Cette conception de ce responsable ne surprend pas quand lĠon conna”t sa conception Žlitiste des Ç intellectuels È dans le parti :

Ç [Les intellectuels] mnent cette lutte [pour lĠhŽgŽmonie] dans des organisations qui dŽfendent les intŽrts de la classe dominŽe (par exemple, un parti) ˆ lĠintŽrieur desquelles ils sont en rapport dialectique avec ceux et celles qui vivent lĠoppression du systme. È (Simon Tremblay-PŽpin, Intellectuels et classes sociales, Nouveau cahier du socialisme, #1, 2009, page 125, je souligne)

Notre brave intellectuel nĠest donc pas victime de lĠoppression du systme.  Grand bien lui fasse.  Nous, pauvres mortels, le sommes.  Nous le sommes ˆ ce point que notre esprit en serait embrouillŽ ce qui justifie, ˆ ses yeux, lĠŽlimination de nos opinions erronŽes telles quĠŽvaluŽes par lĠŽlite intellectuelle qui dirige QuŽbec solidaire.  Gramsci, ce rŽvolutionnaire marxiste victime du fascisme de Mussolini, sur lequel notre vaillant responsable prŽtend se baser doit se retourner dans sa tombe.          

   

 

Orientations stratŽgiques Žlectoraliste, chauvine et Ç front populaire È

 

Pour se retrouver dans ce fourre-tout de sorte ˆ aller ˆ lĠessentiel dans ce pauvre petit mois qui est imparti ˆ la base pour Žlaborer des amendements et des contre-propositions, dŽgageons dans un premier temps les orientations stratŽgiques et regroupons-les logiquement :

á       CĠest pourquoi QuŽbec solidaire nĠhŽsitera pas ˆ se dŽfinir comme indŽpendantiste. (paragraphe 1.4.2)

á       QuŽbec solidaire visera ˆ construire une alliance dŽmocratique, sociale et nationale pour regrouper lĠensemble des forces syndicales, populaires, fŽministes, Žtudiantes, Žcologistes et les partis souverainistes autour de la reconnaissance de la souverainetŽ populaire qui se concrŽtise par lĠŽlection dĠune AssemblŽe constituante. (paragraphe 3.2.2)

á       QuŽbec solidaire fera conna”tre largement le projet dĠAssemblŽe constituante par une vaste campagne dĠŽducation populaire. (paragraphe 3.2.2)

á       La campagne Žlectorale qui mnera un parti ou une alliance fondŽe sur lĠAssemblŽe constituante au pouvoir devra mettre de lĠavant lĠobtention dĠun mandat pour lĠŽlection dĠune AssemblŽe constituante (paragraphe 3.2.5)

á       La loi prŽvoit la tenue dĠun rŽfŽrendum de ratification de la Constitution (paragraphe 3.3.3)

á       Des relations Žgalitaires avec les peuples autochtones nĠen nŽcessitent pas moins le remplacement de lĠa priori de Ç lĠintŽgritŽ territoriale È du QuŽbec par une tout autre notion, celle de la nŽcessaire cohabitation sur un mme territoire de peuples souverains pouvant disposer librement de leur avenir. (paragraphe 1.6.1)

á       QuŽbec solidaire encouragera les organisations sociales et politiques ˆ tenir des Žtats gŽnŽraux pour identifier les pouvoirs et les instruments nŽcessaires ˆ la rŽsistance et au dŽpassement de ces crises. (paragraphe 3.1.3)

 

Le prŽambule du CS souligne lĠessentiel de ces orientations :

Ç Éun vote pour QuŽbec solidaire nĠest pas un vote pour rŽaliser automatiquement lĠindŽpendance du QuŽbec, pas plus quĠil ne sĠagit dĠun vote pour la tenue Žventuelle dĠun rŽfŽrendum quand bon nous semblera.  Un gouvernement de QuŽbec solidaire sĠengage plut™t ˆ lancer immŽdiatement lĠŽlection dĠune AssemblŽe constituante [É]. LĠAssemblŽe constituante sera mandatŽe pour faire participer largement la population ˆ ses dŽbats [É]. CĠest dans ce cadre que les militant-es de QuŽbec solidaire proposeront ˆ la population de rŽaliser lĠindŽpendance politique du QuŽbec [É] È

 

ƒtrangement, la question du rŽfŽrendum final est oubliŽ dans le prŽambule et, dĠailleurs, ce dernier occupe peu de place dans le CS.  En fait, le prŽambule dŽnigre plut™t le concept de rŽfŽrendum.  Ce nĠest pas parce que le PQ lĠa converti en manipulation bureaucratique avec ses questions alambiquŽes style Ç cage ˆ homard È quĠil ne reste pas le grand moment dŽmocratique de la rupture indŽpendantiste.  Le silence du prŽambule sur la question nationale autochtone et sur la question des Žtats gŽnŽraux laissent clairement voir leur caractre secondaire.  En fait le CS ne reconna”t pas rŽellement le droit ˆ lĠautodŽtermination des nations aborignes et il fait de la question des Žtats gŽnŽraux un attrape-nigaud.

 

 

Question nationale aborigne : oui ou non au dogme de lĠintŽgritŽ territoriale ?

 

Si le CS semble renoncer ˆ Ç lĠa priori de ÒlĠintŽgritŽ territorialeÓ du QuŽbec È — tout en commettant lĠimprudence de ne pas rappeler que ce renoncement ne sĠapplique aucunement aux chauvins du West Island qui pensent tre le fer de lance canadien au cÏur du QuŽbec — cĠest non pas pour affirmer le droit ˆ lĠautodŽtermination des nations aborignes habitant en tout ou en partie le territoire de la province fŽdŽrale du QuŽbec jusquĠˆ et y compris lĠindŽpendance ou le rattachement au Canada mais pour avancer le concept Ç de la nŽcessaire cohabitation sur un mme territoire È.  Si cette affirmation signifie que quelque soit les frontires politiques, nations quŽbŽcoise et autochtones demeureront gŽographiquement voisines et auront intŽrt ˆ sĠentendre, cĠest lˆ une banalitŽ. 

 

Le sens de cette affirmation est bien sžr politique : aprs avoir ŽtŽ niŽ le principe de lĠintŽgritŽ territoriale est immŽdiatement rŽaffirmŽ prŽtendument ˆ cause de la nŽcessitŽ gŽographique.  Il nĠy a ici aucune avancŽe.  Par contre, le CS ne fait aucune proposition concrte de ce que pourrait tre une forme de cohabitation dans une rŽpublique fŽdŽrŽe du QuŽbec, proposition qui pourrait emporter lĠenthousiasme des nations aborignes tellement elle serait aux antipodes de la raciste Loi fŽdŽrale des Indiens.  Pourtant, un cercle citoyen dont jĠŽtais lĠanimateur avait fait une proposition ŽlaborŽe dans ce sens dont aucun ŽlŽment nĠa ŽtŽ retenu dans la prŽtendue synthse.

 

 

Campagne politique pour des ƒtats gŽnŽraux ou pour lĠAssemblŽe constituante ?

 

Quant ˆ la proposition dĠune campagne politique immŽdiate pour des ƒtats gŽnŽraux du mouvement populaire quĠun autre cercle citoyen proposait, dont jĠŽtais aussi lĠanimateur, elle a ŽtŽ retenue pour mieux tre non seulement tronquŽe et dŽvoyŽe mais rŽduite ˆ une tautologie sans aucun effet.  Dans sa lettre dĠintroduction, le responsable de la Commission politique ne la considre mme pas comme prioritaire.  Au lieu de jouer un r™le dĠinitiateur et de fer de lance de ces ƒtats gŽnŽraux la direction de QuŽbec solidaire propose seulement dĠencourager les autres.  On reconna”t lˆ le suivisme dĠun parti Žlectoraliste de gauche qui veut avoir lĠair dĠun parti de la rue.  Dans ce cas-ci, ce suivisme est une parade. 

 

Ces autres ne pourraient tre que les directions nationales syndicales ou dĠimportantes organisations populaires.  Leur engoncement dans la Ç concertation È avec lĠƒtat garantit quĠelles ne prendront aucune initiative en ce sens dans la prochaine pŽriode.  Il nĠexiste mme pas dĠopposition de gauche organisŽe digne de ce nom au sein de ces organisations pour les pousser dans le dos.  Autant dire que la proposition du CS tombe ˆ plat.  Si jamais une explosion spontanŽe ˆ la base ou le dŽsarroi des directions syndicales et populaires face ˆ lĠapprofondissement de la crise et/ou ˆ lĠintransigeance gouvernementale les poussaient ˆ organiser des ƒtats gŽnŽraux, il va de soi que la suiviste direction de QuŽbec solidaire va aussi pousser ˆ la roue sans quĠil nĠy ait aucune nŽcessitŽ dĠinscrire ce point au programme.  Autant dire que la proposition du CS est de la poudre aux yeux.

 

Par contre, le CS propose de faire Ç conna”tre largement le projet dĠAssemblŽe constituante par une vaste campagne dĠŽducation populaire. È  On propose donc une mise en branle du parti non pas pour des ƒtats gŽnŽraux mais pour lĠAssemblŽe constituante.  Il faut toutefois comprendre que cette dernire nĠaura lieu quĠaprs Ç [l]a campagne Žlectorale qui mnera un parti ou une alliance fondŽe sur lĠAssemblŽe constituante au pouvoirÉ È.  DĠabord, Ç cette alliance dŽmocratique, sociale et nationale pour regrouper lĠensemble des forces syndicales, populaires, fŽministes, Žtudiantes, Žcologistes et les partis souverainistes È (je souligne) est une porte ouverte au nŽolibŽral PQ (et au rŽactionnaire Parti indŽpendantiste). 

 

Ensuite, le CS nĠinvite pas les membres ˆ se mobiliser dans le cadre dĠune stratŽgie de la rue qui combine la lutte contre la crise globale du capitalisme, dont les effets ne font que commencer ˆ se manifester, et la stratŽgie pour lĠindŽpendance, ce que ferait une campagne politique pour des ƒtats gŽnŽraux pour un QuŽbec indŽpendant, Žcologique et solidaire basŽ sur le plein emploi.  Le CS les invite plut™t ˆ sĠengager dans une stratŽgie Žlectoraliste de possible alliance avec le PQ et le PI pour lĠŽlection dĠun gouvernement allianciste qui lui organisera lĠAssemblŽe constituante.  Inutile de dire que cette Ç campagne dĠŽducation populaire È compltement coupŽe des prŽoccupations, besoins et luttes populaires du moment para”tra au peuple travailleur pour ce quĠelle est : une totale abstraction bureaucratique et technocratique.

 

 

Alliance Žlectoraliste Ç Front populaire È, antichambre du social-libŽralisme

 

On reconna”t ici la tentation de la vieille stratŽgie dĠalliance Ç Front populaire È avec la bourgeoisie dite progressiste qui a menŽ ˆ tant de dŽfaites du peuple travailleur, du classique front populaire franais de 1936 et de la guerre civile espagnole jusquĠˆ lĠanŽantissement des relativement puissants partis communistes iraquien et iranien par respectivement la droite nationaliste et les fondamentalistes musulmans en passant par le massacre du mao•ste Parti communiste indonŽsien et de la gauche anticapitaliste chilienne par respectivement le militarisme nationaliste et le militarisme nŽolibŽral avant lĠheure.  Le coup fourrŽ des fronts populaires est classique : la gauche fait la Ç job de bras È pour conquŽrir le pouvoir puis la droite Ç progressiste È lĠassume tout en se dŽbarrassant de ses encombrants alliŽsÉ et pas toujours joliment.

 

Il faut dire que le coordonnateur de la commission politique nie jusquĠau caractre bourgeois du PQ.  Pour lui, il existe Ç un nouveau mode de production qui nĠest ni capitaliste, ni socialiste mais coordonnatiste. È  Le modle quŽbŽcois serait Ç apparu au QuŽbec en mme temps que la naissance dĠune classe de coordonnateurs. È

Ç Il serait probablement plus ˆ mme de parler dĠune alliance entre les coordonnateurs et la classe ouvrire qui auraient rŽussi ensemble, ˆ imposer une certaine hŽgŽmonie en vue de transformations sociales importantes donnant plus de pouvoir aux coordonnateurs.  Ceux-ci Žtaient par la suite en mesure dĠinstaurer des mesures relativement avantageuses pour la classe ouvrireÉ È           

De prŽciser finalement le responsable de la commission politique : 

Ç É la lutte pour lĠhŽgŽmonie de la classe ouvrire doit passer par une guerre de position qui attaque Žgalement lĠoption coordonnatrice et ses reprŽsentants (le Parti quŽbŽcois, le corporatisme syndical, les Žditorialistes du Devoir, la FŽdŽration universitaire du QuŽbec. LĠInstitut du nouveau mondeÉ È (Simon Tremblay-PŽpin, Intellectuels et classes sociales, Nouveau cahier du socialisme, #1, 2009, pages 128, 129 et 131, je souligne)

 

La stratŽgie de la gauche quŽbŽcoise devrait donc tre de lutter intellectuellement contre le PQ et ses alliŽs (et Žlectoralement tant que le PQ ne sera pas au rendez-vous) pour les amener ˆ rompre leur alliance avec les nŽolibŽraux afin dĠen revenir ˆ lĠalliance de la rŽvolution tranquille mais cette fois-ci sous hŽgŽmonie QuŽbec solidaire.  Comme on a historiquement jamais vu un parti bourgeois subir lĠhŽgŽmonie dĠun parti anticapitaliste — QuŽbec solidaire le sera-t-il au terme de sa dŽmarche programmatique ou restera-t-il social-libŽral ? — il faut faire passer le PQ comme non bourgeois.  Et comme il nĠest plus possible de le caractŽriser de gauche, il reste ˆ inventer une troisime classe sociale fondamentale, digne successeur de cette troisime voie quĠest le social-libŽralisme, ce rŽformisme sans rŽforme.

 

Ouf !  Que voilˆ une proposition de front populaire alambiquŽ digne du Ç panier ˆ crabes È ˆ la Parizeau.  Remettons les pendules ˆ lĠheure.  Le PQ est un parti (petit‑)bourgeois issu de lĠaile nationaliste des LibŽraux dont le but Žtait dĠencadrer politiquement la grande mobilisation populaire fin 60-dŽbut 70 afin de la dŽvoyer en Žlectoralisme, ce quĠil a parfaitement rŽussi ˆ faire.  Cette mission essentielle accomplie, il a laissŽ tomber sa parure Ç prŽjugŽ favorable aux travailleurs È pour devenir aussi nŽolibŽral que les autres partis bourgeois — rappelons-nous des coupures drastiques de salaires de 1982 sous la direction LŽvesque-Parizeau bien avant le dŽficit zŽro de la pŽriode Bouchard-Landry-Marois — tout en parvenant ˆ garder sous son influence les hautes directions syndicales et populaires gr‰ce ˆ son souverainisme nationaliste et ˆ sa stratŽgie Žtapiste Žlection/rŽfŽrendum.        

 

 

Une orientation anticapitaliste de la rue

 

Je dŽgage de cette critique des orientations stratŽgiques du CS une orientation stratŽgique anticapitaliste de la rue dŽjˆ proposŽe par les deux cercles citoyens dont jĠŽtais lĠanimateur.  Me pliant cependant au saucissonnage mŽthodologique qui repousse ˆ une deuxime Žtape les questions Žconomique et Žcologique, je laisse tomber toute discussion de points pourtant essentiels tels les questions du plein emploi (et de lĠŽlimination de la pauvretŽ) par la rŽduction du temps de travail sans baisse des salaires, lĠinterdiction des licenciements, la fiscalisation des rŽgimes de pensions, lĠaugmentation du pouvoir dĠachat, un programme massif dĠinvestissements Žcologiques dans le cadre des rŽductions des gaz ˆ effet de serre exigŽes par le GIEC, la bonification des services publics et des programmes sociaux et une rŽforme fiscale ˆ lĠavenant, ce qui pose la question cruciale du contr™le de lĠŽconomie en commenant par lĠexpropriation des banques et autres zinzins. 

 

Je me plie donc ˆ cette mŽthodologie bureaucratique qui laisse tomber le dŽbat urgent ˆ faire sur un programme anti-crise tout en criant ˆ tue-tte lĠurgence de celui-ci.  Il faut cependant rŽaliser les consŽquences troublantes de ce choix ˆ contre-temps.  Pendant que l'OCDE fait une mise en garde sur la hausse du ch™mage (Ë la une du Devoir du 17/09/09 : Ç Ch™mage : le pire reste ˆ venir È), pendant que le QuŽbec a perdu environ 70 000 emplois depuis l'automne dernier (environ 90 000 ˆ temps plein) sans compter l'augmentation de la population active d'environ 30 000 personnes, pendant que tout une petite ville se mobilise au Lac St-Jean (Dolbeau-Mistassini) contre la fermeture de son usine de p‰te et papier (Abitibi-Bowater) et que cette compagnie continue son hŽcatombe de fermetures, pendant que les retraitŽs de Nortel (et d'Abitibi-Bowater) angoissent devant la faillite et le dŽmantlement de leurs ex-employeurs, la direction de QuŽbec solidaire reste compltement silencieuse sur les questions cruciales de l'emploi et des rŽgimes de retraite.  Cela augure mal pour le projet de pays qu'elle propose. 

 

Voici ce que je propose comme orientations stratŽgiques :


 

Proposition pour une campagne politique pour des Žtats gŽnŽraux

 

  1. Attendu que la stratŽgie Žlection dĠun gouvernement QuŽbec solidaire-AssemblŽe constituante-RŽfŽrendum laisse un vide total dĠengagement stratŽgique dĠici une Žlection gagnante ;
  2. Attendu quĠune Ç campagne dĠŽducation populaire È sur lĠAssemblŽe constituante est compltement coupŽe des prŽoccupations, besoins et luttes populaires du moment, elle para”tra au peuple travailleur pour ce quĠelle est : une totale abstraction bureaucratique et technocratique.
  3. Attendu quĠun parti de la rue vise non seulement ˆ participer immŽdiatement aux mobilisations populaires contre la crise globale du capitalisme, tant Žconomique et Žcologique que politique et sociale, mais ˆ y contribuer dĠune manire proactive par des propositions stratŽgiques ;  
  4. Attendu que QuŽbec solidaire, avec un dŽputŽ, une couverture mŽdiatique non nŽgligeable et surtout une prŽsence rŽelle dans les milieux militants, a la crŽdibilitŽ nŽcessaire pour faire des propositions qui fassent dŽbat ;
  5. Attendu que lĠactuelle conjoncture morose de la riposte sociale, malgrŽ certaines luttes prometteuses en termes de gains et de solidaritŽ (PŽtro-Canada, UQËM), augure mal pour la suite des choses ;
  6. Attendu que sĠannonce une lutte unitaire du Front commun regroupant tout le secteur public et parapublic, mais sans quĠait ŽtŽ fait un bilan de la stratŽgie syndicale de la concertation, ce qui explique fondamentalement la capitulation de dŽcembre 2005 au gouvernement Charest et par la suite le tassement des luttes Žtudiantes, Žcologiques et populaires ;
  7. Attendu quĠaprs la prŽsente accalmie de la crise et suite ˆ la suppression de 70 000 emplois au QuŽbec depuis son dŽbut, sans compter la transformation des temps plein en temps partiel et des salariŽes en travailleuses dite indŽpendantes, la saccade des congŽdiements reprendra tout comme lĠoffensive des coupures et des privatisations pour rŽtablir lĠŽquilibre budgŽtaire sans hausser lĠimposition des profits, des hauts revenus et de la richesse ;
  8. Attendu le prŽcŽdent historique des Ç ƒtats gŽnŽraux du Canada franais È de novembre 1967 qui se conclurent par Ç Éune orientation vers lĠindŽpendance du QuŽbec. È (J. Lacoursire, J.Provencher et D. Vaugeois, Canada-QuŽbec, synthse historique, 1978) tout en inaugurant une pŽriode dĠintenses mobilisations populaires qui culminrent dans le Front commun de 1972 et lĠoccupation en 1975 de la United Aircraft (aujourdĠhui Pratt et Whitney) ;
  9. Attendu que pour enclencher une ardeur populaire qui nĠŽtait pas au rendez-vous aprs lĠŽlection de 1994 qui lui avait donnŽ le pouvoir avec seulement 15 000 votes de plus que les LibŽraux, le PQ imita p‰lement les ƒtats gŽnŽraux par une consultation populaire qui vit Ç [e]ntre le 6 fŽvrier et le 5 mars [1995], les 17 commissions consultatives mobilis[er] 280 commissaires qui tinrent 435 rencontres o se prŽsentrent 50 164 personnes. È et que Ç [l]es travaux des commissions firent appara”tre de faon rŽcurrente la nŽcessitŽ de lier la souverainetŽ ˆ un projet de sociŽtŽ. È et par le fait mme Ç permi[rent] ˆ l'option souverainiste d'amorcer une remontŽe dans les sondages. È (Denis Monire, La dŽmarche rŽfŽrendaire á Le QuŽbec face ˆ son destin, 1995, UniversitŽ de MontrŽal) ;

 

Il est proposŽ :

1.    Que QuŽbec solidaire mette immŽdiatement en branle une campagne politique pour la convocation dĠƒtats gŽnŽraux de lĠensemble des mouvements populaires ;

2.    Que QuŽbec solidaire, tout en faisant une campagne auprs du grand public et spŽcialement auprs des militantes, contacte pour ce faire les mouvements populaires nationaux, rŽgionaux et locaux ;

3.    Que QuŽbec solidaire propose comme thme ˆ ces ƒtats gŽnŽraux Ç un QuŽbec indŽpendant, solidaire et Žcologique sur la base du plein emploi. È

4.    Que QuŽbec solidaire propose dans le cadre des ƒtats gŽnŽraux une stratŽgie basŽe sur la convocation dĠune AssemblŽe constituante pour un QuŽbec indŽpendant Žlue au suffrage proportionnel, ˆ paritŽ femme-homme, et dont la constitution sera ratifiŽe par un rŽfŽrendum.


 

 

Nations autochtones et inuit

Une offre de Ç rŽpublique fŽdŽrŽe È sur base de reconnaissance du droit ˆ lĠindŽpendance

 

De dire lĠanthropologue RŽmi Savard ˆ lĠAtelier de QuŽbec Solidaire sur la question autochtone du 5 avril 2009 :

Ç Le 13 septembre 2007, 143 des 147 pays prŽsents ˆ lĠassemblŽe gŽnŽrale de lĠONU ont approuvŽ une dŽclaration sur les droits des peuples autochtones. Les USA, lĠAustralie, la Nouvelle-ZŽlande et le Canada ont votŽ contre. Il y a deux ou 3 jours, lĠAustralie sĠest ralliŽe. Selon certains, la Nouvelle-ZŽlande serait sur le point dĠen faire autant. [É] Selon [cette DŽclaration], les peuples autochtones ont des droits semblables ˆ ceux des peuples membres de lĠONU :

Article 3 : ÔÔLes peuples autochtones ont le droit ˆ lĠautodŽtermination. En vertu de ce droit, ils dŽterminent librement leur statut politique et assurent librement leur dŽveloppement Žconomique, social et culturel.ĠĠ

Article 5 : ÔÔLes peuples autochtones ont le droit de maintenir et de renforcer leurs institutions politiques, juridiques, Žconomiques, sociales et culturelles distinctes, tout en conservant le droit, si tel est leur choix, de participer pleinement ˆ la vie politique, Žconomique, sociale et culturelle de lĠƒtat.ĠĠ È

á       En consŽquence, QuŽbec solidaire Ïuvrera pour que lĠAssemblŽe nationale soutienne par un vote la DŽclaration des peuples aborignes de lĠONU. 

 

De prŽciser RŽmi Savard : Ç Tant que la fourrure a constituŽ la principale ressource naturelle, i.e de 1600 ˆ 1800, les Autochtones eurent, aux yeux des mŽtropoles (Paris et Londres), une Žnorme pertinence Žconomique et militaire [É]  Entre 1795 ˆ 1816, le bois remplace la fourrure.  Les autochtones perdent rapidement toute pertinence aux yeux des promoteurs de la colonie canadienne. Sont considŽrŽs comme obstacles au dŽveloppement (agriculture, industrie forestire, mines, hydroŽlectricitŽ, industrie touristique, etc.). Toutes ces ressources naturelles sont sur leurs territoires.  Et a continue aujourdĠhui avec Le Plan Nord du gouvernement Charest. È

 

Du temps de la fourrure (et de la rivalitŽ anglo-franaise puis anglo-amŽricaine), le colonisateur franais puis britannique traitait dĠŽgal ˆ Žgal avec les nations autochtones, comme en tŽmoignent la Ç Grande Paix È de 1701 avec les Hodenausaunee (Iroquois) et la Ç Proclamation royale È de 1763.  Ensuite, ce fut lĠinvasion de la Ç horde blanche È (expression de Louis-Gilles FrancÏur) pour sĠaccaparer leurs ressources naturelles, ce qui leur valut lĠinfantilisante Ç Loi des Indiens È et les inŽgaux traitŽs ˆ numŽro, dont la Convention de la Baie James est lĠexcroissance. 

 

Faut-il se surprendre que le gouvernement dĠapartheid dĠAfrique du Sud, ˆ la fin de la Deuxime guerre mondiale, prit exemple sur le systme canadien des Ç rŽserves È.  Le retour en force de lĠŽconomie de la rente tant au Canada (pŽtrole et mines) et au QuŽbec (hydro-ŽlectricitŽ, mines et demain lĠŽolien) ne fait que renforcer la spoliation des terres autochtones.  La volontŽ dĠharnacher La Romaine malgrŽ les protestations du peuple Innu, quĠHydro-QuŽbec divise ˆ coup de millions, est le dernier exemple en date.  Quant aux nations autochtones parquŽes dans les minuscules rŽserves polluŽes du sud du QuŽbec, ne leur restent plus que la contrebande et les trafics illicites pour ne pas crever.   

 

Les nations autochtones et inuit ont ŽtŽ conquises et dŽpossŽdŽes de leurs territoires.  Elles sont aujourdĠhui devenues des colonies internes.  Celles parquŽes sur des rŽserves vivent un rŽgime dĠapartheid.  Leurs membres vivant parmi les Ç blancs È sont victimes de discrimination. 

á       En consŽquence, QuŽbec solidaire reconna”t aux nations autochtones et inuit le droit ˆ lĠautodŽtermination jusquĠˆ, et y compris, lĠindŽpendance ou leur rattachement au Canada. 

 

La longue histoire dĠoppression et de spoliation a causŽ une forte dŽpopulation historique jusquĠˆ rŽcemment, plusieurs dŽplacements de masses et surtout lĠinstallation de la population Ç blanche È sur leurs terres historiques.  La rŽparation des torts historiques sur une base de territoires exclusifs dŽcoulant du rŽgime capitaliste de la propriŽtŽ privŽe est une t‰che impossible qui ne pourrait mener quĠˆ des conflits sans fin.  En consŽquence,  

á       QuŽbec solidaire propose aux nations autochtones et inuit de sĠunir ˆ la nation quŽbŽcoise dans le cadre dĠune rŽpublique fŽdŽrŽe sur la base de traitŽs Žgaux reconnus internationalement. 

á       Le territoire commun serait divisŽ en zones nationales propres ˆ chaque nation et en zones ˆ gouvernement partagŽ qui seraient les plus importantes. 

á       Toute personne habitant une zone nationale qui nĠest pas la sienne pourrait bŽnŽficier, selon certaines rgles prŽvues aux traitŽs internationaux, dĠun ensemble de droits, particulirement eu Žgard aux systmes dĠŽducation et de justice de sa nation.  

 

Les rŽserves quĠhabitent les nations autochtones sont des territoires petits, enclavŽs, sans ressources, souvent charcutŽs par des voies de transport et polluŽs.  Les ressources des territoires inuit, cri, anishnabŽ (algonquin), attikamekw et innu ont ŽtŽ et sont encore en grande partie exploitŽes et pillŽes sans lĠaccord des nations concernŽes ou dans le cadre de traitŽs inŽgaux. 

á       En consŽquence, QuŽbec solidaire rŽclame que lĠampleur historique du dŽpouillement des territoires et du pillage des ressources soit ŽvaluŽe dĠun commun accord, que la Convention de la Baie James soient renŽgociŽe et reconnue par une instance internationale, quĠune juste compensation corrige lĠinjustice historique de la conqute et que les ressources soient dorŽnavant exploitŽes selon les termes des traitŽs internationaux.

á       Que QuŽbec solidaire sĠoppose ˆ lĠharnachement de La Romaine non seulement ˆ cause de lĠopposition du peuple innu malgrŽ les tactiques de divisions dĠHydro-QuŽbec mais aussi ˆ cause de ses consŽquences Žcologiques nŽfastes en termes de mercure, de marnage, de renversement du cycle saisonnier du dŽbit de la rivire et de bouleversement du rŽgime Žcologique du Golfe St-Laurent par suite des effets cumulatifs de lĠharnachement de lĠensemble des rivires de la C™te-Nord.   

 

La longue histoire de conqute, de refoulement et de pillage des nations autochtones et inuit a causŽ lĠŽrection dĠun immense mur de prŽjugŽs et de mŽfiance. 

á       En consŽquence, QuŽbec solidaire propose que soit introduit dans le systme dĠŽducation Ç blanc È des cours dĠhistoires, de cultures et de langues autochtones et inuit et que des Žchanges de toutes sortes soient organisŽes entre la nation quŽbŽcoise et les nations autochtones et inuit. 

 

 

Marc Bonhomme, 19 septembre 2009