Commentaires sur la mise à jour budgétaire et financière du gouvernement du Québec du 27 octobre 2009

 

1. Cette mise à jour (MJ) fait l'hypothèse que la crise économique est finie et qu'il y aura reprise lente.  J'en doute parce qu'au Québec l'emploi stagne après avoir baisser, que les inégalités de revenus persistent et que l'endettement des travailleurs, loin de se résorber, progresse (voir mon article "La crise n'est pas finie" à http://hussonet.free.fr/lacrise.htm ou d'autres plus savants sur le même sujet sur ce site)  Il faut donc s'attendre au mieux à une longue stagnation et même à un nouveau plongeon.

 

2. MJ réaffirme l'objectif néolibéral du retour au "déficit zéro" pour 2013-14 en un mot tout reviendra comme avant.  Le problème est que l'actuelle faible reprise est due aux déficits budgétaires des gouvernements fédéral et québécois (et même étasunien étant donné que le Québec exporte 20% de son PIB vers les ÉU).  Enlever ces stimuli c'est retomber dans la crise étant donné les facteurs structurels mentionnés au point 1 (chômage élevé, inégalité, endettement).  En fait, ces stimuli s'ils ont arrêté momentanément la crise n'ont pas permis la reprise.  Pour cela, il faudrait en rajouter -- ce que prône par exemple l'économiste nobélisé néo-keynésien Paul Krugman pour les ÉU -- mais au contraire le gouvernement Libéral (et Conservateur) veut couper, tarifier et taxer davantage ! 

 

3. Pour arriver à l'équilibre budgétaire en 2013-14 : 

 

    a. le gouvernement Libéral prévoit hausser les tarifs, dont ceux de l'électricité, sauf pour les garderies et hausser la taxe de vente de 1 point de pourcentage.  Ces deux mesures sont régressives en ce sens qu'elles frappent proportionnellement plus les travailleurs, et encore plus les pauvres, que les bourgeois parce que les premiers épargnent beaucoup moins que les seconds. 

 

    b. Le gouvernement dit ensuite vouloir s'en prendre aux fraudeurs du fisc.  Lesquels ?  Les travailleurs au noir (ex. les assistés-sociaux, petits salariés, travailleurs à temps partiel et précaires qui doivent se débrouiller pour arriver) ou les entreprises corrompues de la construction et de l'ingénierie sans compter les spécialistes de l'évasion fiscale vers les paradis fiscaux ?  

 

    c. Le gouvernement prévoit ensuite une croissance des dépenses de 3.2% l'an à partir de 2010-11 alors que pour simplement maintenir les services publics et les programmes sociaux dans l'état actuel il faudrait une croissance de 5 à 6% étant donné l'inflation générale et celle spécifique au secteur de la santé (et peut-être de l'éducation) qu'il serait cependant possible de réduire sensiblement par une politique musclée d'achat de médicaments/équipements et d'encadrement serré des contrats de construction, ce que prône Québec solidaire.

       

             *** Se pose ici l'enjeu des demandes salariales et autres des syndiquées du secteur public regroupées en Front commun.  Il ne faut pas être la tête à Papineau pour comprendre que le gouvernement Libéral les rendra responsables de toutes les hausses de taxes, tarifs et coupures alors que leurs salaires sont passablement moindres que ceux équivalents du secteur privé et encore plus des fonctions publics fédéral et municipal sans compter leurs difficiles conditions de travail auxquels seul un réinvestissement important dans les services publics remédierait, ce qui serait aussi au bénéfice des usagers.  

 

    d. Malgré tout, selon le gouvernement Libéral, il manquerait encore cinq milliards $ pour boucler le budget de l'année 2013-14 (et des montants moindres dans les deux années antérieures).  D'où viendraient ces milliards étant donné que le gouvernement Libéral a renoncé par avance à hausser l'impôt sur le revenu, sur les profits, sur la richesse et sur la consommation de luxe, que la grande majorité des dépenses est affectée à la santé, à l'éducation et au soutien du revenu et qu'il y a un besoin de réfection des infrastructures physiques ?  Je vous laisse deviner.  

 

4. MJ explique finalement que le gouvernement québécois a eu et aura besoin d'emprunter près de 40 milliards $ de 2008 à 2011, refinancement compris, auprès, évidemment, du capital financier.  Cette méthode de financement a aussi l'accord du PQ, de Québec solidaire et de tous les économistes néo-keynésiens tellement elle semble "naturelle".  Elle signifie cependant rien de moins que le gouvernement a recours aux grands responsables de la crise économique pour sortir de la crise... sans véritablement en sortir sauf pour les boursicoteurs.  Le capital financier devient pompier-pyromane plus même qu'il n'y paraît car le gouvernement fédéral est déjà venu au secours des banques à la hauteur de 200 milliards $ l'hiver dernier sans que celles-ci n'aient jamais été en difficulté financière, tout simplement pour maintenir leur capacité concurrentielle face aux banques étasuniennes et européennes.  Si le capital financier a des fonds pour prêter à l'État -- en fait la crise a tari les possibilités d'investissements privés rentables -- c'est qu'il serait possible d'imposer et taxer ces fonds.  Ce serait là une solution de gauche. 

 

5. Finalement MJ ne pose pas la question de la finalité des dépenses supplémentaires actuelles.  Faut-il revenir au statu quo énergivore et créateur de gaz à effet de serre et destructeur de bio-diversité ?  La crise économique ne serait-elle pas l'occasion de mettre sur pied un gigantesque programme public d'investissement dans l'efficacité énergique, par exemple revamper tous les bâtiments du Québec afin de diminuer de 50% leur consommation d'énergie, dans l'énergie éolienne en propriété publique, dans un système gratuit et populaire de transport public intra-urbain et inter-urbain, et non pas un TGV pour les gens d'affaires, dans un programme de construction de logements sociaux écologiques, le tout suffisant pour atteindre le plein emploi et ainsi éliminer le noyau dur de la pauvreté ?

 

6. Un tel programme pousserait-il la bourgeoisie à la grève des investissements et à la fuite des capitaux ?  Évidemment.  D'où la nécessité de l'indépendance de gauche pour avoir le pouvoir d'exproprier le capital financier et d'instaurer une Banque populaire du Québec contrôlée démocratiquement par les représentants élus de l'ensemble de la société, du gouvernement et des travailleuses de la Banque.    

 

Marc Bonhomme, 14 novembre 2009