Environ 50 000 personnes, selon les organisateurs, ont pris part à la manifestation du 12 mars 2011 à Montréal pour « un budget équitable pour tous et toutes » organisée par l'Alliance sociale et de la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services. Cette manifestation se caractérisait par la grande variété des organisations participantes où les cortèges syndicaux dominaient moins que d’habitude. On notait, dans la même foulée, la grande bigarrure des cortèges même, jusqu’à un certain point, pour ceux syndicaux moins « soviétiques » qu’à l’ordinaire… d’où le grand nombre de photos.

Côté syndical, la CSN était la plus nombreuse par rapport à une FTQ très discrète et une bonne présence des autres centrales du secteur public. Côté « populaire », les organisations étudiantes étaient très visibles. Pêle-mêle, on voyait les organisations de femmes, celles sur le logement, anti-pauvreté, de consommation, de quartiers. Québec solidaire avait mobilisé une centaine de personnes identifiables à leurs très visibles pancartes oranges dont plusieurs dispersées dans d’autres organisations. Il m’a semblé qu’en général, la proportion des femmes était importante.

Les discours des porte-parole à la tribune traduisaient l’indignation de la politique budgétaire de plus en plus droitière et reprenait sans trop insister et sans les détailler les revendications somme toutes assez modérées prévues pour la manifestation mais qui paraissent assez radicales comparées à l’orientation de la politique budgétaire Libérale elle-même en conformité avec les prescriptions de l’OCDE et des sommets du G-20. Le grand absent, cependant, était l’absence totale d’un plan de mobilisation avec des moyens en escalade jusqu’à la grève générale seule capable de créer le rapport de forces pour forcer un tournant budgétaire de gauche.

Reste à savoir comment l’Alliance sociale compte relancer la lutte après le prochain budget qui ne pourra que décevoir, et si elle compte poursuivre son alliance, justement, avec la plus radicale Coalition contre la tarification et la privatisation. Sans cette relance très hypothétique, la manifestation du 12 mars n’aura été qu’une autre grand messe pour exorciser la frustration de la série de défaites qu’encaisse le mouvement social québécois, de la Convention collective pourrie du secteur public, de plus en plus un secret de Polichinelle, jusqu’à la défaire crève-cœur au Journal de Montréal.

Même le rapport du BAPE sur les gaz de schiste, s’il condamne le capitalisme des copains (crony capitalism) des Libéraux, qui fait paraître la politique albertaine des droits et redevances comme progressiste et celle environnementale du gouvernement étasunien comme d’avant-garde, « …coïncide étrangement avec les plans d'une industrie qui en est encore à tester le sous-sol pour en évaluer la valeur » (Louis-Gilles Francoeur, Le rapport du BAPE sur les gaz de schiste - Une rebuffade qui laisse la porte ouverte à l'industrie

11).

Et dire que la majorité des grandes organisations écologiques du Québec, ni vues ni connues à la manifestation du 12 mars, trouvent essentiellement positif ce rapport qui est très loin du moratoire jusqu’ici exigé (Rapport du BAPE sur le développement durable de l'industrie des gaz de schiste - Un temps d'arrêt bien accueilli, Le Devoir, 9/03/11) que la direction de Québec solidaire ne revendique plus voyant dans le rapport du BAPE une « victoire citoyenne » (Rapport du BAPE: désaveu de l’approche du gouvernement et victoire citoyenne), se contentant de s’inquiéter de « la composition et de l’indépendance des membres du comité qui encadrera [l’évaluation environnementale stratégique] » (Politique énergétique : Québec solidaire souhaite un élargissement du débat, 9/03/11) proposée par le BAPE à laquelle les Libéraux, bon prince, ont promis de donner suite.

Marc Bonhomme, 12 mars 2011