23 dŽcembre 2009

 

RŽponse ˆ Roger Rashi

QuŽbec solidaire : une formation politique ˆ la gauche de quelle gauche ?

 

QuŽbec solidaire nĠest ni Die Linke, encore moins le NPAÉ plut™t un NPD plus qui pourrait devenir un NPDÉ sans plus.  QuŽbec solidaire ne se dŽmarque pas par rapport ˆ un parti de la vieille gauche du XX sicle devenu social-libŽral mais par rapport au PQ, un parti nationaliste populiste devenu carrŽment nŽolibŽral depuis longtemps.  Ralliant les tenants partidaires ˆ la gauche du centre-droit, il allie centre-gauche, alias sociaux-libŽraux, et gauche, alias antilibŽraux et anticapitalistes, les premiers plut™t au sommet du parti, les seconds plut™t ˆ la base.  Il tient un discours idŽologique antilibŽral, frisant parfois lĠanticapitalisme, en contradiction avec ses prises de positions sociales-libŽrales et sa pratique Žlectoraliste, dĠo lĠabsence de programme, aprs quatre ans dĠexistence et deux Žlections, compensŽ par le complaisant vedettariat mŽdiatique de ses deux porte-parole qui tient le parti uni.  QuŽbec solidaire tire ses origines autant de la poussŽe altermondialiste et anti-guerre de 2000-2003 que de la dŽfaite stratŽgique du mouvement social en 2005-2006.  SĠil compte un bon nombre de militantes fŽministes et communautaires, il sĠen trouve peu provenant du mouvement syndical et mme Žcologique.  Son nombre de membres est en stagnation depuis la fondation.   

 

 

Les sociaux-libŽraux se retrouvent autant ˆ QuŽbec solidaire quĠau PQ

 

Pourquoi choisir comme point de comparaison lĠanticapitaliste NPA franais et non pas lĠambigu antilibŽral Parti de la Gauche plus proche du Die Linke allemand ?  Pourquoi ignorer le social-libŽral NPD canadien ?  NĠest-ce pas subtilement tirer ˆ gauche QuŽbec solidaire ?  CĠest lĠensemble du point de comparaison qui fait problme comme lĠavoue inopinŽment Roger Rashi en admettant que le PQ ne fait que Ç jou[er] le r™le de la Ç gauche institutionnelle È au QuŽbecÉ È.  Pourtant ce parti qui nĠest pas de gauche aurait une Ç pratique [et un] programmeÉ marquŽs par le "nŽolibŽralisme ˆ visage humain" È.  Pour rŽsoudre la contradiction dans laquelle sĠenferme lĠauteur, il suffit dĠinterroger la rŽalitŽ et le plus rŽcent programme pŽquiste.  Ds lĠavnement du nŽolibŽralisme, en 1982, le PQ alors au pouvoir coupe de 20% les salaires des employŽes de lĠƒtat.  Dans lĠopposition, ˆ la fin des annŽes 80, il se fait le champion canadien du libre-Žchange avec les ƒtats-Unis.  De retour au pouvoir ˆ la fin des annŽes 90, il devient le fidle relais fŽdŽral en appliquant une politique de Ç dŽficit zŽro È puis de rŽductions de lĠimposition des entreprises et des hauts revenus dont les services publics quŽbŽcois ne se sont pas encore remis.  Sa dernire plate-forme Žlectorale ˆ lĠautomne 2008 Žtait on ne peut plus claire :

Ç 1.2. Soutenir les entreprises

á         ƒliminer, avant 2010, la taxe sur le capital.

á         Baisser le taux marginal effectif dĠimposition des entreprises.

á         Adopter des mesures fiscales qui visent ˆ encourager lĠinvestissement privŽ, notamment lĠinvestissement dans les Žquipements. È

 

O sont alors les sociaux-libŽraux ?  La question nationale — aprs tout le PQ a ŽtŽ lĠinitiateur des rŽfŽrendum de 1980 et surtout de 1995 — en retient plusieurs au PQ, en particulier parmi les syndicalistes et les Žcologistes francophones.  Ceux et celles plus sensibles ˆ la question sociale — particulirement les militantes anti-pauvretŽ tellement le mŽpris pŽquiste des pauvres a ŽtŽ grand — se retrouvent davantage ˆ QuŽbec solidaire, particulirement ˆ la direction, ce quĠont dŽmontrŽ les Žlections au dernier congrs de novembre 2009.  Pendant que la base faisait un pas en avant en se dŽclarant autant indŽpendantiste que souverainiste, dŽpassant ainsi lĠinitiale Ç DŽclaration de principes È, Žtait Žlue par acclamations, sans dŽbat ˆ partir de plate-formes alternatives inexistantes, sur la base de leur seule brve biographie, une direction encore moins souverainiste que lĠancienne.  Celle-ci avait pourtant appelŽ dans le dŽbat prŽ-congrs ˆ laisser tomber toute rŽfŽrence tant ˆ la souverainetŽ quĠˆ lĠindŽpendance en faveur dĠun populiste appel au Ç pays È ! 

 

 

Un indŽpendantisme nationaliste pour un Ç projet de sociŽtŽ È social-libŽral

 

Reste que le congrs nĠa pas justifiŽ son parti-pris indŽpendantiste comme la rŽponse du peuple quŽbŽcois ˆ lĠoppression nationale mais comme lĠaffirmation nationaliste de la diffŽrence dĠune nation minoritaire et comme un ensemble de pouvoirs permettant la rŽalisation intŽgrale dĠun projet de sociŽtŽ apparemment inexistant.  La direction de QuŽbec solidaire est demeurŽe totalement silencieuse sur tous les enjeux de Copenhague, alors que LibŽraux et PQ ont pris des positions tranchŽes, tant avant et pendant la confŽrence quĠaprs jusquĠˆ ce jour.  Cet indŽpendantisme ˆ base nationaliste amne QuŽbec solidaire ˆ tre pour les droits territoriaux des Autochtones et des InuitÉ mais en niant quĠils ont des territoires bien ˆ eux par lĠaffirmation de Ç la nŽcessaire cohabitation sur un mme territoire È.  On est loin de la Ç pleine reconnaissance de leur droit ˆ lĠautodŽtermination. È comme lĠaffirme Roger Rashi.  Il nĠŽtait pas question pour le congrs de Ç souder lĠindŽpendance (ou la souverainetŽ) du QuŽbec et le projet social È mais, ˆ lĠinverse du PQ, de subordonner la question nationale ˆ la question sociale, dont le programme est ˆ venir, alors que lĠindŽpendance est le fer de lance de tout projet de libŽration du peuple quŽbŽcois, dans toutes ses dimensions, comme peuple participant en toute autonomie aux affaires dĠun monde plus que jamais interdŽpendant.

 

SĠil est exact que la montŽe du mouvement altermondialiste au dŽbut de la dŽcennie a dŽmontrŽ la viabilitŽ au QuŽbec dĠun parti de gauche, cĠest la dŽfaite stratŽgique, quelques annŽes plus tard, de tout le mouvement social qui a ŽtŽ la cause principale de la fondation de QuŽbec solidaire.  Le noyau dirigeant en concluait que lĠŽlectoralisme, dŽsormais viable, Žtait la rŽponse ˆ la dŽfaite de la rue.  Pour la direction, Ç le rapport entre lĠactivitŽ Žlectorale et les luttes sociales È a donc ŽtŽ Ç tirŽ au clair È depuis le dŽbut.  Au malaise crŽŽ par ce choix auprs dĠune base plus antilibŽrale, la direction a offert en p‰ture le Manifeste, jamais discutŽ ˆ la base, Ç Pour sortir de la crise : dŽpasser le capitalisme ? È qui a la vertu dĠun lŽnifiant discours du dimanche anticapitaliste voilant un rŽel programme anti-crise social-libŽral.  Par exemple, le Manifeste recommande aux victimes de licenciement de se regrouper en coopŽratives et aux victimes des fonds capitalisŽs privŽs de retraite de placer volontairement une portion plus importante de leur salaire dans un fonds capitalisŽ Žtatique qui a perdu 25% de sa valeur de marchŽ, plus encore que les fonds privŽs.  Il sĠagit moins de soulager les souffrances populaires que de soutenir un capitalisme quŽbŽcois qui serait vert et social.  Une fois Žlu, le dŽputŽ unique de QuŽbec solidaire a dĠailleurs dŽclarŽ au principal journal du Canada anglais :  

Ç Il nĠy a rien de radical ˆ propos des demandes de QuŽbec solidaire, de dire M. Khadir,[É] Il a maintenu que QuŽbec solidaire ne demandait rien dĠautre que ce que le prŽsident-Žlu Obama a promis pour les ƒU. È (Globe and Mail, 18 dŽcembre 2008, ma traduction)

 

 

Une introuvable alliance avec le PQ

 

QuĠen est-il des rapports avec le PQ, grand concurrent Žlectoral de QuŽbec solidaire dans les circonscriptions Žlectorales prenables ?  Est-ce un rapport de rivalitŽ entre un parti nŽolibŽral et un parti antilibŽral comme alternative ˆ la politique droitire fŽdŽraliste du Parti LibŽral, le parti Ç normal È de la bourgeoisie, actuellement au pouvoir ?  Comme lĠa dŽclarŽ la porte-parole et aujourdĠhui aussi prŽsidente de QuŽbec solidaire lors de la campagne Žlectorale de novembre 2008 au sujet de la possibilitŽ dĠalliance avec le PQ, Ç le tŽlŽphone nĠa jamais sonnŽ. [É] On est ouvert au dialogue. È (Radio-Canada).  Cette ouverture a ŽtŽ confirmŽe par le nouveau dŽputŽ : Ç Il nĠen tient quĠˆ nous de nous entendre.  Mme 4% a peut faire la diffŽrence dans une Žlection serrŽe. È (LĠAutĠJournal, fŽvrier 2009).  Il nĠest donc nullement question dĠÇ arracher ˆ lĠinfluence du PQ des secteurs du mouvement syndical et des mouvements sociauxÉ È comme le dit Roger Rashi.  Pour le moment le PQ ne veut pas de cette alliance qui ne lui appara”t pas Žlectoralement payante puisque dĠune part le score Žlectoral de QuŽbec solidaire a stagnŽ ˆ un peu moins de 4% de lĠŽlection de 2007 ˆ celle de 2008, ce qui correspondait ˆ des scores dans les sondages un peu plus ŽlevŽs, et puisque dĠautre part il chasse sur le terrain dĠune ADQ, parti nationaliste fŽdŽraliste ultra-droitier, en rapide perte de vitesse.    

 

 

Des collectifs anticapitalistes tout aussi introuvables

 

Que font les petits organisations anticapitalistes dans cette galre ?  Elles reconnaissent que QuŽbec solidaire est la premire tentative dĠorganiser un parti de masse de gauche depuis le dŽbut des annŽes 80 ; le premier parti issu de la base, et non de lĠaile nationaliste du Parti LibŽral comme le PQ et avant lui indirectement lĠUnion nationale, ˆ faire Žlire un dŽputŽ depuis la fin des annŽes 40.  Elles constatent quĠelles y sont reconnues statutairement comme des collectifs qui nĠont cependant aucun droit de dŽlŽgation nulle part, lĠalternative Žtant lĠisolement propagandiste souvent garant de sectarisme.  Le problme nĠest pas lˆ.  Ces collectifs se contentent, ˆ divers degrŽs selon le groupe et dŽpendamment de la conjoncture, dĠosciller entre affirmation idŽologique, rŽvolutionnaire ou Žcosocialiste, et manÏuvres tactiques dans les sommets pour pousser la direction plus ˆ gauche.  LĠaxe commun de leur dŽmarche reste cependant lĠalliance avec la direction sociale-libŽrale tout en se tenant sur sa gauche et en se rendant utile par un visible apport organisationnel.  Est exclue toute construction dĠun p™le oppositionnel anticapitaliste et indŽpendantiste ayant pignon sur rue en proposant un programme dĠurgence anti-crise et une tactique de construction dĠun parti de la rue.

 

Marc Bonhomme, militant anticapitaliste de QuŽbec solidaire

23 dŽcembre 2009